Monday, July 31, 2006

Manifestation à Bruxelles بروكسيل: مسيرة للتّنديد بإرهاب دولة إسرائيل



بروكسيل: مسيرة للتّنديد بإرهاب دولة إسرائيل


شهدت بروكسيل يوم الأحد تنظيم مسيرة شعبية تضامنا مع الشعوب الفلسطينية و اللّبنانية و العراقية شارك فيها آلاف المواطنين معظمهم من أفراد الجاليات العربية و المسلمة المقيمة في بلجيكا و الدول المجاورة، إلى جانب مواطنِين أوروبيّين.

و قد رفع المتظاهرون شعارات تطالب الاتحاد الأوروبي و منظّمة الأمم المتحدة بشجب الجرائم التي يرتكبها جنود الاحتلال و اعتبارها جرائماً ضدّ الإنسانيّة لكونها تستهدف المدنيّين، خاصّة الأطفال و النّساء منهم, و تُدمِّر البنيات التحتيّة للبنان، ممّا يُصعّبُ عملية إيصال المساعدات الإنسانيّة.

و قد عبّر المتظاهرون عن امتعاضهم من الموقف العربيّ المحتشم و العاجز عن التصدّي بحزم للعدوان الصّهيوني، و عن سخطهم اتّجاه سياسة بعض الدول العربية المُنحازة لإسرائيل و المتؤامرة مع الكيان الصهيونيّ على حساب القضايا القوميّة.

و نُظِّمت هذه المظاهرة بمبادرة من الجمعية البلجيكية لمساندة الكفاحين اللبناني و الفلسطيني، إضافة إلى التحالف الدولي للحرية و الكرامة. و تميّزت هذه المظاهرة بمشاركة جمعيات لليهود المعادين للصّهيونيّة، ندّدوا بدورهم بإرهاب الدولة الذي تمارسه إسرائيل و الذي يعتبر خرقا سافرا للمعاهدات و المواثيق الدولية في ظلّ امتناع الدول العظمى و على رأسها الولايات المتّحدة الأمريكيّة، الحامية الأولى للكيان الصّهيوني، عن إرغام اسرائيل على الامتثال لمقتضيات القانون الدوليّ.

تنضاف هذه المسيرة الاحتجاجيّة التي عرفت مشاركة أكثر من 15.000 شخص إلى سلسلة من التحرّكات يقوم بها عرب و مسلمو بلجيكا قصد إجبار الاتّحاد الأوروبي و الحكومة البلجيكيّة على "إدانة الهجمات الهمجيّة في فلسطين و في لبنان"، حسب قول السّاهرين على هذه الأنشطة التّضامنية.

جعفر العماري


Génération Internet!

Génération Internet !



Au Maroc, s’il est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur et qui n’échappe plus au regard commun, c’est bien la prolifération des cyber-cafés (Cafés-Internet). Prise de pair avec l’expansion phénoménale des « Téléboutiques », cette floraison a une implication primordiale : les marocains communiquent.

Dans un pays prévoyant où le futur importe tant et où l’étude de la perspective est une activité prioritaire, de tels changements auraient donné lieu à des cycles de conférence, à des études approfondies, à des sondages d’opinion, à des analyses pour en relever les effets sociologiques… Bref, à toute une étude minutieuse visant à en connaître les causes et les effets, afin d’en orienter l’usage de la manière qui soit compatible avec les projets de développement du pays. Mais au Maroc, force est de constater qu’une grande partie des jeunes, premiers usagers du net, est abandonnée à son destin, en l’absence d’un réel suivi pédagogique visant à fructifier l’usage d’Internet. Si sous d’autres cieux, la Toile est utilisée pour dynamiser les recherches, accélérer le transfert du savoir et la transmission de l’information, l’usager marocain lambda semble encore orienter son usage vers la consultation de la boîte email (souvent vide), et, surtout, vers le Chat. D’ailleurs, une pub où un usager explique qu’il a rencontré sa femme via le Chat en fait l’apologie, voire l’éloge. Dans une autre pub, une grand-mère couvre son neveu de prières car il lui a appris à ‘Chatter’.

Il va sans dire que la Toile demeure une généreuse et intarissable source d’informations, mais elle est également source de plusieurs déconvenues qui diffèrent selon la nature des sites visités, d’où la nécessité d’un réel suivi pédagogique, à l’école, grâce aux média et au sein de la famille, afin d’en maximiser les bénéfices et de pouvoir, enfin, aspirer aux projets ambitieux que ressassent les campagnes électorales telles des litanies, mais qui, une fois les élections bouclées, reprennent leurs places dans l’immense puits de l’oubli.

Hier après-midi, pris d’une nostalgie envers mon enfance, je me suis rendu sur cette rue qui, jadis, fut le tapis de mes premiers pas. Un épicier, un libraire, et en face, une salle de jeux. En revisitant cet espace, j’ai constaté qu’il était resté intact. Il était le même. Le même, mais sans nos éclats de rire ; le même mais sans les jeux vidéo ; le même mais sans les foules de jeunes qui venaient y passer des heures, surtout en ces jours d’été, rien qu’avec quelques dirhams en poche ; le même mais sans Bba Omar qui échangeait nos dirhams contre des ‘dirhams-cravate’. L’espace qui, jadis, servait de lieu à cette salle de jeux s’est transformé en cyber-café, un lieu marqué par un profond silence. Un silence différent de celui qu’on choisit et où les mots trouvent un espace pour se rencontrer et se croiser. Ce silence-là, on ne le choisit pas, on le subit. On ne le savoure pas, on l’endure. Aspirés par leurs ordinateurs et plongés séparément dans leurs mondes virtuels, désormais les usagers communiquent plus mais parlent moins.

Quel paradoxe ! Celui de la Génération Internet.

AMARI Jaafar

Friday, July 28, 2006

Lotfi Akalay

Morâleur par nature


L’écrivain Lotfi Akalay promène depuis cinquante ans son regard impertinent sur la société.

Même en prenant de l’âge, Lotfi Akalay ne perd rien de son mordant. Écrivain, chroniqueur, journaliste, notamment à Jeune Afrique (1996-1997), il poursuit inlassablement son combat contre les tracasseries de la vie quotidienne. Excédé par l’incivisme et les absurdités de l’administration, ce Don Quichotte des temps modernes mène avec panache une lutte incessante contre la bêtise humaine. Ce qui lui vaut la sympathie de bon nombre de ses compatriotes, qui louent autant la qualité de son analyse que la férocité de son humour.

Son dernier fait d’armes, Nouvelles de Tanger, publié en septembre 2005, regroupe ses meilleures chroniques publiées dans la presse et plusieurs textes inédits. Ce Tangérois de souche y raille l’attitude des Marocains de l’étranger « au volant de leur fourgonnette Mercedes de quatorzième main ». Extrait : « Partis le ventre creux, ils nous reviennent la tête bouillonnante de billets et les poches bourrées d’euros. Ils nous considèrent comme Robinson à la vue de Vendredi. Les voici de retour au pays des sauvages, eux qui viennent de l’eldorado civilisé, où les supermarchés foisonnent de Danone de toutes les marques. » Et de s’en prendre quelques pages plus loin aux plus hautes personnalités du Makhzen qui se sont illustrées sous le règne d’Hassan II. Akalay fait parler des animaux, comme Quarck, le teckel : « Ne vous étonnez pas si un chien arrive à avancer cahin-caha dans le dédale de la politique marocaine : je suis habitué à la langue d’aboie. » Les obscurantistes de tout poil en prennent aussi pour leur grade : « Plus il y aura d’hommes virils et plus les femmes se voileront. Les voilées, je n’ose pas les courtiser, des fois qu’un barbu soit derrière elles, dissimulé dans la foule et déguisé en imberbe. » Avant de s’inquiéter de l’avenir de la jeune génération : « Les études littéraires, c’est l’accès direct à la chômatologie. » Néologismes et bons mots sont distillés tout au long des 262 pages de cet ouvrage publié par les éditions Coda.

Akalay est, dans la vie comme dans ses écrits, attaché aux principes et aux règles de société. Tout l’indigne en vérité : les abus de pouvoir, la grossièreté des parvenus, la saleté des rues… Ce « morâleur », comme il se qualifie lui-même, n’hésite pas, à chaque promenade dans les rues tangéroises, à rappeler le droit élémentaire du citoyen. Quitte à se frotter, du haut de son mètre soixante, aux deux molosses postés devant l’hôtel du Rif, équipés de talkies-walkies et d’oreillettes dernier cri. Après avoir déplacé sous leur nez les plots et la chaîne de sécurité qui protègent l’entrée principale et barrent l’accès au trottoir, le petit Lotfi leur rappelle son bon droit - les bas-côtés appartiennent aux Tangérois - et leur demande d’aller le répéter à leur patron.

Lotfi Akalay est ainsi. Depuis qu’il a poussé son premier cri, le 7 novembre 1943, il n’a cessé de japper. Impertinent, truculent, féroce, il rédige de 1990 à 1994 de savoureuses chroniques humoristiques pour Al Bayane, quotidien du PPS (Parti du progrès et du socialisme), organe de la classe ouvrière marocaine. Puis il opte sans transition pour La Vie économique, hebdomadaire des milieux d’affaires. En 1997, il livre des articles humoristiques au mensuel Femmes du Maroc.

Il connaît un début de consécration dans les pays francophones avec la publication en 1995 d’une de ses nouvelles, Le Candidat, sous forme de feuilleton dans l’hebdomadaire satirique français Charlie-Hebdo. Moins d’un an plus tard, il sort aux éditions du Seuil son premier roman intitulé Les Nuits d’Azed, récit passionnant, dont le sexe et l’argent sont les principaux ressorts. Il y dénonce le machisme et s’élève contre la répudiation, cette forme inique de divorce, privilège réservé aux hommes. À ce jour, le livre a été traduit en huit langues : néerlandais, italien, portugais, grec, coréen, turc, chinois et espagnol. En juin 1998, il restitue toute leur modernité aux aventures du plus célèbre « voyageur de l’islam », dans Ibn Battouta, Prince des voyageurs aux éditions Le Fennec.

Diminué par la maladie, Lotfi Akalay éprouve aujourd’hui de grandes difficultés à s’exprimer. Peu importe… Il poursuivra son œuvre jusqu’au bout. Même s’il ne se fait pas de grandes illusions sur la portée de son message auprès de ses concitoyens : « La presse parlée est aussi surveillée qu’un site présidentiel irakien, tandis que la presse écrite est libre comme la chute de la roupie indonésienne. Marocanisons l’aphorisme : “Les paroles restent, les écrits s’envolent.” »

Rice: le serpent américain

Rice : le serpent américain

À un certain moment dans le futur, lorsque la fatale campagne américaine pour l’hégémonie durant la première décennie du 21ème siècle sera soumise à une étude critique, les historiens découvriront d’horribles parallèles entre le mandat de Condoleezza Rice comme secrétaire d’État américain sous le président Bush et celui de Joachim Ribbentrop comme ministre allemand des Affaires étrangères sous le chancelier Hitler.
Toutes les caractéristiques de la politique étrangère du Troisième Reich au moment où il préparait le terrain pour la Guerre mondiale - sa duplicité dépravée, son cynisme, son hypocrisie, son manque de scrupules, sa fascination pour la violence et son mépris total pour la vie humaine - peuvent être observées 70 ans plus tard dans les opérations de l’administration Bush, pour laquelle Rice est la principale porte-parole en matière de politique étrangère.


Chacune de ces « qualités » a été mise bien en évidence au cours des 48 dernières heures, la secrétaire d’État Rice faisant une visite à l’improviste dans un Liban déchiré par la guerre, avant de se diriger ver Israël. Ce dont Rice a été témoin à Beyrouth est le résultat de la politique qu’elle-même a mise en branle. Mais, à part des regrets hypocrites et symboliques, elle n’a pas semblé être particulièrement troublée. Au contraire. Au beau milieu d’une ville qui a été soumise à un bombardement intensif, dans un pays qui a été complètement dévasté par la machine de guerre israélienne, où des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont sans logis, sans nourriture et eau adéquate, Rice a proclamé avec une évidente fierté qu’un nouveau Moyen-Orient était en train de naître.

On peut imaginer ce à quoi ses interlocuteurs libanais devaient penser en écoutant Rice insister sur le fait que les États-Unis n’appuyaient pas un cessez-le-feu à ce moment-ci. D’abord, les conditions d’une « paix durable » doivent être créées. Traduction : on doit donner du temps à Israël pour causer davantage de destruction, pour poursuivre son assaut barbare sur le Liban et son peuple, jusqu’à ce que soit éliminée toute résistance interne à la transformation du pays en un quasi-protectorat des États-Unis et d’Israël, et en une base auxiliaire d’opérations pour le renversement du gouvernement syrien et la future guerre contre l’Iran.

En Israël, le principal message de Rice au gouvernement Olmert fut : Au travail. Encouragée par l’appui sans réserve des États-Unis, l’armée israélienne s’est sentie libre de réduire en miettes un poste d’observation de l’ONU.

Aussitôt que Rice a quitté la région, le ministre israélien de la défense Amir Peretz a annoncé que l’armée israélienne établirait une « zone de sécurité » non précisée au Liban sud, signalant ainsi une autre invasion totale de la région, qu’Israël avait occupée de 1982 à 2000. Des sources du gouvernement israélien estiment que l’étendue de la zone pourrait atteindre jusqu’à 10 km, mais le général Alon Friedman, un des commandants de la région nord d’Israël, avait parlé plus tôt d’une incursion allant jusqu’à 70 km à l’intérieur du Liban.

Peu de temps après la déclaration de Peretz, une frappe aérienne israélienne a tué quatre soldats de la paix des Nations unies à un poste d’observation au sud du Liban. Les Nations unies au Liban affirment que les quatre personnes, d’Autriche, du Canada, de la Chine et de la Finlande, s’étaient réfugiées dans un bunker sous le poste après que celui-ci eut été bombardé 14 fois par l’artillerie israélienne. Une équipe de secours a aussi été bombardée alors qu’elle tentait de dégager les décombres.

Le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a déclaré qu’il était « choqué et profondément bouleversé » par « l’attaque apparemment délibérée » du poste. Le poste des Nations unies était clairement identifié et l’armée israélienne possédait ses coordonnées. La mission de l’ONU, composée de 2.000 soldats, était opérationnelle depuis 1978 dans la région frontalière.

Le seul motif que l’on peut imaginer pour détruire le poste de l’ONU était d’empêcher toute surveillance de l’offensive israélienne. Les observateurs de l’ONU qui se trouvent près de la frontière israélo-libanaise, connue sous le nom de Ligne bleue, suivent de près les actes de violence importants, de même que les incidents individuels, et émettent des rapports de presse quotidiens.

Les statistiques de l’ONU, qui ne tiennent pas compte des attaques plus au nord, fournissent une rare image de l’intensité de l’attaque au Liban sud. Par exemple, dans la seule journée du 24 juillet, Israël a mené 45 raids aériens et tirs d’artillerie près de la Ligne bleue, alors que le Hezbollah a tiré 12 missiles. Ceci était en plus des nombreux affrontements autour de la ville de Bint Jbeil, qui a été pulvérisée et capturée par Israël après six jours de violents combats.

Après que le poste de l’ONU eut été détruit, des avions de guerre israéliens ont détruit deux maisons voisines à Nabatiyé, qui se trouve à 10 km au nord de Bint Jbeil et qui a été fortement bombardée durant les derniers jours. Dans une maison, un homme, sa femme et leur enfant ont été tués, alors que dans l’autre, trois hommes sont morts.

Les démentis israéliens d’une attaque délibérée sur le poste de l’ONU pour limiter la surveillance de tels crimes de guerre n’ont aucune crédibilité. En fait, une telle attaque est tout à fait en accord avec le passé d’Israël. Quatre jours après qu’Israël eut déclenché la guerre israélo-arabe de 1967, ses bombardiers et ses hélicoptères de combat coulèrent le USS Liberty, un navire américain de renseignement qui se trouvait dans la péninsule du Sinaï, tuant 34 marins américains et en blessant 171. Le seul motif de cette attaque calculée était que les données interceptées par le Liberty contredisaient catégoriquement les affirmations d’Israël selon lesquelles l’Égypte avait attaqué Israël, et que l’important assaut aérien envoyé sur trois États arabes était en réplique à cette attaque.

En avril 1996, plus de cent civils libanais ont été tués et plusieurs centaines d’autres blessés après qu’Israël eut bombardé des bâtiments des Nations unies. Une enquête indépendante des Nations unies a trouvé que la déclaration d’Israël selon laquelle le bombardement était accidentel n’était pas appuyée par les faits.

Après que Rice eut quitté Beyrouth, Israël a recommencé ses raids aériens qui avaient cessé durant sa visite. Une série d’immenses explosions ont projeté des colonnes de fumée dans le ciel des quartiers de Beyrouth sud. Tôt mardi, Israël a aussi recommencé ses frappes aériennes sur le deuxième front, dans la bande de Gaza, blessant huit personnes, ont fait savoir des résidents et des ambulanciers.

Auparavant, dans une autre violation monstrueuse de la loi humanitaire, deux ambulances de la Croix-Rouge ont été frappées par des roquettes lancées à partir d’hélicoptères israéliens près de la ville portuaire de Tyr, où des réfugiés ont fui pour échapper à l’assaut sur le sud du Liban. Six personnes, y compris les deux conducteurs, ont été sérieusement blessées. Au moins à dix occasions, des ambulances, clairement identifiables avec les croix, les lumières bleues clignotantes et les drapeaux géants de la Croix-Rouge, ont été bombardées au cours des deux dernières semaines, causant la mort d’une douzaine de passagers civils.

Rejet des demandes de cessez-le-feu

À Beyrouth, dans ce qui fut un affront pour les millions de victimes et les innombrables morts du Liban, Rice a déclaré être « profondément touchée » par « ce qu’ils devaient endurer ». Mais l’aide d’urgence qu’elle a annoncée pour les victimes, une somme d’environ 30 millions, est éclipsée par les milliards de dollars dépensés pour fournir les missiles et le matériel militaire à Israël pour qu’il mutile et terrorise la population.

Rice a rejeté du revers de la main les plaidoyers du premier ministre libanais Fouad Siniora pour une fin immédiate des combats, même après qu’il ait exprimé la crainte que son gouvernement puisse tomber si les bombardements continuaient. Elle a aussi rejeté une proposition du président du Parlement Nabih Berri, considéré comme un allié du Hezbollah, appelant à un cessez-le-feu immédiat qui serait suivi d’un échange de prisonniers, et à ce qu’Israël permette le retour des Libanais qui ont fui le Sud, avant de discuter de plans plus larges pour résoudre le conflit.

À Jérusalem, Rice a insisté pour que le gouvernement Kadima-travailliste augmente sa campagne au Liban devant les signes croissants de doute en Israël envers la guerre et la résistance beaucoup plus forte que prévue des combattants du Hezbollah. Au cours des derniers jours, plusieurs commentateurs israéliens importants ont exprimé la crainte qu’une guerre terrestre prolongée, avec les pertes que cela entraînerait, soulève inévitablement l’opposition. Écrivant dans le Haaretz du 23 juillet, Gideon Levy avertissait :

« La guerre va devenir un imbroglio. Lorsqu’il apparaîtra que la force aérienne ne suffit pas, l’invasion terrestre qui est déjà commencée s’intensifiera. Le cliché sur le bourbier libanais sera de nouveau valide et lorsque des soldats seront tués, comme cela se produit déjà sur une base quotidienne, dans une chasse de maison à maison, les manifestations vont se développer et diviser la société. »


Visitant le sud d’Israël le jour avant sa rencontre avec Rice, Olmert a reculé par rapport à ses promesses précédentes d’écraser le Hezbollah, disant plutôt que la « réponse internationale et les changements dans le monde arabe nous permettront, je crois, dans un délai raisonnable, de construire une solution qui va significativement affaiblir et isoler le Hezbollah ». Olmert a aussi dit qu’Israël ne serait pas entraîné dans une invasion du Liban.

Juste après avoir quitté Jérusalem, Rice s’est arrêté en Cisjordanie pour rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui a promis de maintenir une « période de calme » et d’arrêter les attaques palestiniennes contre les forces israéliennes, malgré que l’agression israélienne continue sur les deux fronts. Plusieurs factions palestiniennes ont appelé à une grève générale dans la bande de Gaza et la Cisjordanie, demandant à Abbas de boycotter la rencontre avec Rice. Ils ont accusé Israël de mener un « génocide » contre les Palestiniens et les Libanais après avoir reçu le feu vert de l’administration américaine.

Dans une opération transparente qui vise à donner plus de temps à l’armée israélienne pour qu’elle continue sa campagne guerrière financée par les États-Unis, Rice passera le reste de la semaine à deux conférences internationales pour discuter de la crise du Moyen-Orient. Elle se rendra d’abord à Rome où seront discutées diverses propositions pour une force de « stabilisation » de l’OTAN, ou de l’UE et des pays arabes, pour superviser le retrait du Hezbollah du sud du Liban. Fidèle à lui-même, le premier ministre britannique Tony Blair, un des plus proches alliés de Bush, a décrit la violence au Liban comme une « catastrophe », mais a insisté que la fin des hostilités exige la mise en place d’un tel plan.

Rice se rendra ensuite à une conférence du Forum régional de l’Asie à Kuala Lumpur jeudi et vendredi pour y rencontrer des représentants de la Chine, de la Russie, de l’Inde, de l’Australie, du Japon ainsi que de l’UE. Selon le Times de Londres, « Les politiciens occidentaux espèrent clairement que certains de ces pays leur fourniront les hommes pour une force dont les responsables britanniques disent qu’elle atteindra plusieurs milliers. »

Un tel plan d’occupation demandera non seulement de démolir militairement le Hezbollah, en tuant des milliers de ses combattants, mais aussi de démanteler toute son infrastructure d’écoles, d’hôpitaux, d’aide sociale et de projets de reconstruction. Cela va enflammer encore plus l’hostilité populaire au Moyen-Orient, déclenchant des éruptions de violence que Washington considère clairement pouvoir exploiter pour élargir la guerre contre la Syrie et l’Iran.

La vertu et la foi

"La vertu devient morbide si elle n'est pas adoucie par quelques écarts, et la foi devient aisément cruelle si elle n'est pas atténuée par quelques doutes."

Amin Maalouf in
"Léon l'Africain", p.300

Wednesday, July 26, 2006

The Future of freedom...



The Future of Freedom: Illiberal Democracy at Home and Abroad

It's a fascinating look at the past, present, and future of democracy, here in the States and all over the world. The book is essential reading, for example, for anybody interested in the Bush administration's attempt to "democratize" Iraq. Basically, Zakaria argues that although we take the concept of "liberal democracy" for granted, in fact the two components of it have not always gone together. "Constitutional liberalism" is responsible for a lot of the good things we like (rule of law, protection of human rights, etc.), but it hasn't always been associated with democracy. Democracy, meanwhile--rule by a popular majority--isn't always or necessarily connected to liberalism. With these ideas in mind, the author covers an incredible amount of ground, both historically and geographically. And he writes amazingly well, so every page is not just filled with interesting information, but is also lively and fun. This is that rare kind of "big" book, in other words, that people not only talk about, but enjoy reading.”

Welcome to the new democracies of the world...


Palestinian photojournalist Nasser Shtayyeh weeps as he carries the body of his 5-day-old baby daughter Dunya before her funeral in Nablus April 19, 2002. Dunya was taken ill but was prevented by Israeli troops from getting to a hospital that was only 4 km away. She died on an Israeli checkpoint.

Must-see 1 : The Wall of Hate

Must-see 2 : “Occupation: the cancer that is eating our lives”



Les interruptions

« Un livre ne se termine pas, ni une lettre, il y a seulement des interruptions en plusieurs séries. De là les anamorphoses dans les relations, avec soi, avec les autres… »

Khatibi, Abdelkebir, Correspondance ouverte, éd. Marsam, Rabat, 2005, p.82

Tuesday, July 25, 2006

Ma civilisation...

« Ma civilisation n’est donc pas celle de la danse du ventre et du drap souillé de la nuit des noces, ni celle de la vulgarité des amours de feuilletons télévisés populaires que les serveuses boivent à longs traits pour s’imaginer dans les Elysées de l’amour. C’est celle d’une langue qui a soixante mots pour dire l’amour et ses infinies nuances. Mais il faut maintenant l’exil pour que, hagard, l’artiste en fasse œuvre et recréation retrouvant dans la souffrance des origines et les tourments des choses perdues, les ancêtres et les racines… »

El Khayat, Ghita, Correspondance ouverte, éd. Marsam, Rabat, 2005, pp. 13-14

Monday, July 24, 2006

Une poétesse voilée se dévoile

Portrait. Une poétesse voilée se dévoile


Rachida Madani est une écrivaine à part. Publiée grâce aux prisonniers politiques, voilée pour des raisons de quête personnelle, elle écrit en français, en vers puis en prose, et s'intéresse à tout pour animer sa vie tangéroise.

“Se taire n'est pas juste”, affirme Rachida Madani. La cinquantaine à peine, fidèle à Tanger qu'elle n'a plus quittée depuis trente ans, la dame se fait discrète. Elle vient d'ailleurs de profiter du départ volontaire après trente ans de service dans l'enseignement national. “C'était une aubaine. C'est arrivé au bon moment car je voulais partir.

J'étais devenue une enseignante pas très convaincue depuis quelque temps. L'enseignement ne me donnait plus aucune satisfaction”, affirme-t-elle. La satisfaction et la plénitude, elle les retrouve dans son jeu préféré : l'écriture. Ses mots, elle les cuisine, les laisse mariner pour ensuite les offrir à ses lecteurs. Car elle a le goût des mots. “Je les savoure, confie-t-elle. Surtout quand je trouve le mot qu'il faut, à la place qu'il mérite”. Rachida Madani écrit, pose, laisse décanter avant de se relire et de se corriger. Minutieuse et patiente, elle a publié trois ouvrages en 25 ans et se méfie des auteurs qui en publient un chaque année.

Publiée grâce à Abdellatif Laâbi


C'est en 1981 qu'elle publie son premier recueil de poésie Femme je suis. Cependant, c'est depuis l'âge de six ans qu'elle s'essaie à l'écriture. A 12 ans, son premier recueil est bouclé. “C'est là que j'ai décidé d'être écrivaine quand je serais grande”. Mais qu'est-ce qui a poussé la petite fille vers l’écriture ? Elle est aujourd'hui incapable de se souvenir de ce qui a déclenché cet amour des mots. “Tout ce que je sais, c'est qu'à l'époque, il fallait que je prouve aux adultes que j'étais plus mature qu'ils ne s'en doutaient”. Exister, revendiquer, crier la condition de la femme, refuser l'oubli. Ce sont ces briques-là qui ont permis à l'écrivaine de se construire une tour à part.

Ce premier recueil Femme je suis, elle sera encouragée à le publier de derrière les barreaux de Kénitra. “Je suis une militante passive. Je ne sais pas crier de slogans et brandir de banderoles. Je milite avec mes mots. Mes poèmes sont parvenus à Mohamed Serifi à la prison de Kénitra. Il les recopiait et les lisait à ses compagnons de prison”. Rachida Madani demande à Abdellatif Laâbi, lorsqu'il est libéré, de préfacer son recueil. “Il m'a dit que s'il écrivait la préface, le recueil ne serait pas publié. J'ai tenu à ce qu'il le fasse et c'est d'ailleurs grâce à lui, que Femme je suis a été édité en France en 1981” aux éditions Barbares.

Une voix féminine contre le silence


Avec cette publication, l'écrivaine tangéroise réussit son pari : s'imposer en tant que femme et “transpercer” un champ littéraire, alors exclusivement masculin. “J'avais besoin de m'imposer en tant que telle et d'écrire au nom des autres qui ressentaient la même chose que moi”. Son choix de la poésie comme mode d'expression n'est pas fortuit. La Tangéroise reconnaît que le recours aux vers lui permettait d'exprimer avec force et concision ses idées. “Je n'avais pas envie de me perdre dans les mots. La poésie, c'était d'abord l'image. Il m'était surtout plus aisé d'exprimer par l'image ce que je ressentais et le poème se prête beaucoup à cela”. Mohamed Dib disait aussi que “l'exercice de la poésie mène vers un tel affinement, à une recherche tellement poussée dans l'expression, à une telle concentration dans l'image ou le mot qu'on aboutit à une impasse”. C'est également grâce à la poésie, notamment dans Contes d'une tête tranchée (Ed. La Différence, 2001), que Rachida Madani réécrira l'histoire de Shéhérazade, cette femme qui, pour sauver sa tête, berce chaque nuit Shahrayar, grâce aux mots et aux histoires. C'est une Shéhérazade militante, soucieuse des problèmes du palais que l'on découvre au fil de ce poème-récit. La plume de Rachida Madani se serait-elle tarie durant ces vingt années de silence ? “Non, je n'ai jamais cessé d'écrire. Mais à mon rythme”, précise-t-elle avec autant d'humilité que de détermination.

Un récit pour ne pas raconter d'histoire


Dans son dernier ouvrage, Rachida Madani passe au récit. Dans L'histoire peut attendre, l'écrivaine fait participer sa narratrice, ses personnages mais également son lecteur au déroulement de la trame -si trame il y a. Car comme son nom l'indique, l'histoire du roman peut attendre. Entendez, ce n'est pas une finalité en soi. L'ouvrage n'est qu'un prétexte à la réflexion aux rapports narratrice - héros - lecteur mais également une invitation à la réflexion à l'écriture. “Il ne s'agit pas là d'un roman conventionnel qui raconte du début à la fin une histoire”, se défend l'auteure. Mais c'est avec un réel plaisir que le lecteur se voit impliqué dans un dialogue avec les héros. Khadir*, un des personnages, l'interpelle : “Vous êtes là aussi sûr que j'existe ! Pour la première fois, je vois clair dans votre jeu : vous allez tout chambouler, tout réinventer à votre guise, impunément ! (…) je n'ai pas non plus l'intention de vous révéler le fin mot de cette histoire, d'ailleurs je ne le connais pas plus que vous”. Cette révélation contraste avec la légende de ce personnage puisque Khadir a le don du savoir.

Une quête de soi à travers la religion


Ce personnage, Rachida Madani le découvrira à la lecture du Coran et des interprétations du texte sacré. En effet, l'auteure tangéroise, dix ans après la publication de son premier recueil, se plonge dans la religion, lit le Coran et décide de porter le voile. Comme tout écrivain d'expression française, se pose à elle la question de la langue : “Commence alors cette recherche de l'identité que j'ai puisée dans la lecture du Coran et la découverte des préceptes de l'islam”. Dans sa quête, Rachida Madani n'hésitera pas à faire table rase de tout ce auquel elle croyait : “c'était nécessaire, sinon la recherche n'aurait eu aucune valeur”. En plus de cette quête de l'identité, intrinsèque à la littérature quelle qu'en soit l'expression, l'écrivaine avoue que la naissance de sa fille a été tout aussi déterminante. “En assumant le rôle de mère, j'ai été gagnée par la colère contre la société. J'ai réalisé combien on m'avait inculqué des préceptes erronés aussi bien à l'école que dans la famille. J'avais le sentiment d'avoir perdu trop de temps dans de fausses croyances”. Pour parfaire sa métamorphose, elle apprend alors la déclamation du Coran (tajouid), qu'elle enseigne aujourd'hui dans une mosquée de Tanger.


En somme, dans les mots, Rachida Madani a pêché la force des ses textes. Dans la religion, celle de son identité. Et dans la mer… des poissons avec son mari. “Pêcheuse, mais pas pécheresse”, renchérit-elle. Les talents artistiques de Rachida Madani ne s'arrêtent pas là. Passionnée et avide de nouvelles formes d'expression, elle s'est inscrite à des ateliers de peinture et se voit déjà façonner des poésies picturales. Pour elle, les “mots sont comme les couleurs pour le peintre”. Rachida Madani est également membre de l'association Karama pour le développement de la femme. Aujourd'hui, elle apprend le langage des sourds-muets pour prendre part au projet d'institut pour sourds et muets lancé par l'association El Aoun Wal Ighata à Tanger. C'est une touche-à-tout qui a foi en la femme et un amour infini pour la littérature. La preuve, elle s'y engage sans se voiler la face. Et sans jamais se taire.


* Khadir est un mythe religieux. Ce sont les différentes explications et interprétations du texte coranique qui donnent naissance à ce personnage doté d'une sagesse et d’un savoir immenses. Dans le Coran, Dieu a dit à Moïse d'aller à la rencontre de ce personnage au confluent des Mers. Rachida Madani pensera au Détroit d'autant plus, que sur la route de Ksar Sghir, il y a le Jbel Moussa. Une belle et exceptionnelle montagne blanche.

Commémoration de l’Esclavage, crime contre l’Humanité.

Joseph Ndiaye : « Lutter contre l’oubli ! »

Depuis 1964, il est conservateur de la Maison des esclaves sur l’île de Gorée, le plus célèbre comptoir de la Traite négrière. Tirailleur sénégalais, combattant en Indochine, il a accueilli Clinton, Mandela ou le Pape en visite. Aujourd’hui âgé de 84 ans et toujours aussi vif d’esprit et de verve, Joseph Ndiaye sera reçu le 10 mai par le Président Chirac pour la commémoration de l’esclavage. A cette occasion, il publie « Il fut un jour à Gorée…», un ouvrage destiné aux enfants, car dit-il, « Sur tous les continents, la mémoire est nécessaire pour construire l’avenir. On n’a jamais rien bâti sur l’oubli et le silence. »

Vous êtes le conservateur de la Maison des esclaves de Gorée depuis 1964. Comment êtes-vous arrivé à cette fonction ?

Tout d’abord, je suis un africain, ensuite sénégalais pur sang et goréen. Mes parents sont originaires de cette île. Enfant, j’étais déjà sensible au passé odieux de mes ancêtres et depuis, je me suis aguerri. Je connaissais l’histoire de Gorée à travers la tradition orale et grâce à l’aide du président Senghor, j’ai pu faire des stages en France, notamment à Nantes* et à Bordeaux pour me perfectionner. (Nantes fut l’un des ports d’où partirent les navires esclavagistes vers l’ Afrique). D’ailleurs, Mme Taubira dans sa loi de 2001, nous a dédié un statut que j’ai fait retranscrire à l’entrée de la Maison des esclaves et que les touristes peuvent admirer. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises et je prends cette femme comme une cousine lointaine (ajoute t-il riant).

Vous serez reçu par le président Chirac à l’occasion de la Commémoration de l’Esclavage le 10 Mai, après la loi Taubira. Quel regard portez-vous sur cette date et sa symbolique ?

Je suis sensible à cette date retenue par le chef de l’état et qui vient au moment où ne s’y attendait pas. Pourquoi ? Parce que l’Europe a toujours été récalcitrante à propos de la traite négrière et cette date tombe bien à l’issue de ma lutte (et il répète plusieurs fois le mot lutte). J’ai toujours souligné que ce fut l’un des plus grands génocides que l’humanité ait connu (Entre 15 et 20 millions d’esclaves sont partis vers les Amériques entre 1536 et 1848).On parle souvent des camps de concentration juifs. Je n’en veux pas aux juifs et en tant qu’africains, nous reconnaissons leur souffrance mais les camps de concentration n’ont pas duré plus de douze ans alors que la traite négrière a duré plus de trois cent ans et n’on en parle presque jamais. Alors moi, j’en parlerai toute ma vie !

Pensez-vous que cette date soit un geste fort ?

Oui. En célébrant la commémoration de l’esclavage avec cette date, la France a demandé pardon. Alors je pardonne, mais je n’oublie pas !

A cette occasion, vous publiez un ouvrage intitulé « Il fut un jour à Gorée » et adressé aux enfants. Pourquoi, alors que vous auriez pu écrire vos mémoires ?

Parce que les enfants représenteront la fierté des prochaines générations. Ils doivent donc être sensibles au passé odieux de leurs ancêtres. Au Sénégal, on enseigne cette histoire. Il y a des visites tous les mercredis à l’île de Gorée pour les écoliers et les universitaires aussi. Vous savez quand nous étions sous domination française, on nous apprenait que nos ancêtres étaient des gaulois. Ce qui était une fausseté de notre histoire.

Vous avez reçu à Gorée de grandes personnalités telles que Nelson Mandela, Hillary Clinton, James Brown et d’autres…Quelle rencontre vous a le plus marqué ?

Le pape ! Le pape qui a demandé pardon à partir de cette fameuse porte du voyage sans retour. Et aussi Nelson Mandela avec les larmes qu’il a versé.
*(L’église au siècle de l’esclavage a donné son aval aux monarchies européennes, pour accomplir la traite négrière avec le prétexte d’évangéliser des populations noires jugées sauvages et inférieures).

Avec Gorée, il y a Ouidah au Bénin qui fut un autre port du commerce triangulaire et certains villages du Congo, pourquoi ces lieux sont-ils moins connus et visités ?

Les esclaves qui partaient du Congo transitaient souvent par Zanzibar qui était un grand marché aux esclaves sur la côte est de l’Afrique. En Afrique de l’ouest, c’était effectivement Gorée, au large du Sénégal, Ouidah au Bénin et le fort d’ Elmina au Ghana, qui servaient de passerelle. Si Gorée est plus connu aujourd’hui, c’est à cause de sa proximité géographique avec les Amériques. De plus, l’île abritait le fameux comptoir des hollandais qui avaient ses succursales à Nantes et à Bordeaux.




Avant, on forçait le peuple noir à aller vers les Amériques, aujourd’hui, on assiste à une immigration volontaire des africains et en grand nombre vers l’Europe. Cela, au risque de leur vie. Que pensez-vous de ce phénomène ?

C’est une aventure dangereuse qu’ils tentent ! Mais malgré notre sous-alimentation, comme le disent les européens, je suis chez moi et je suis bien dans mon grenier du Sénégal. Ils y vont parce qu’on leur a dit que l’Europe était un paradis et qu’on y gagnait bien sa vie. Mais même au Sénégal, je gagne aisément ma vie malgré notre situation de sous-développement.

C’est donc un problème de pauvreté qui les pousse à partir ?

Pour moi non. C’est une espèce d’aventure. Ils ont des illusions sur l’Europe mais s’ils la connaissaient vraiment comme moi je la connais, ils ne tenteraient pas l’aventure.

Justement, que faîtes-vous à cet égard pour sensibiliser les jeunes de votre pays ?

J’en parle beaucoup dans les conférences que je peux donner, car tenter cette aventure, c’est aller en enfer. D’une part, ils sont mal reçus du fait de la discrimination raciale et d’autre part, ils peuvent mourir de faim sans que l’on s’occupe d’eux.

N’est-ce pas une autre forme d’esclavage qui se perpétue sur l’homme noir ?

Cela, parce que certains hommes noirs l’ont bien voulu. Si on se jette dans la gueule du coup, c’est volontaire. Moi je suis bien chez moi en Afrique. Même si je crève de faim, je suis bien au Sénégal !

Ici en France, nous sommes dans le combat pour la diversité, l’égalité des chances dans la société… Qu’avez-vous pensé de la réparation financière de l’esclavage, envisagée à un moment ?

Vous savez au sommet de Durban( 2001) où j’avais été invité, on nous a proposé des dollars en échange du sang versé pendant trois cent ans, ce qui était une insulte grossière ! J’ai alors claqué la porte car l’Afrique ne méritait pas ça. Si elle avait accepté, demain, face aux revendications, on aurait dit aux africains, vous la fermez parce que nous vous avons dédommagé et vous n’avez plus le droit de parler de l’esclavage et de la traite négrière. Quant on sait que pendant trois cent, ils ont pris les plus jeunes, les plus robustes, les plus forts, bouleversant l’équilibre démographique. J’ai l’habitude de dire que c’est ce qui explique le lourd retard que l’Afrique a pris dans le processus de développement. Avec la traite, ils n’ont laissé que des personnes âgées pour la main d ‘œuvre.

Vous avez dit sur Tf1, que vos meilleurs amis étaient des français, que pensent-ils de l’esclavage de leurs ancêtres et de cette commémoration du 10 Mai ?

Je connais beaucoup de français qui ont toujours collaboré avec moi depuis que je suis conservateur de la maison des esclaves. Vous savez, il y a des bons et des mauvais partout. J’ai beaucoup d’amis nantais pourtant, c’était l’un des ports de départ de la traite négrière. Et durant mon stage dans cette ville, j’y ai connu des amis. J’ai d’ailleurs un grand ami martiniquais, président de l’association des antillais de Nantes et qui est récemment venu me rendre visite à Gorée.

Pour finir, que peut-on vous souhaiter aujourd’hui ?

Je souhaite que mes cousins de la diaspora aient le même sentiment que moi. Avoir dans leur peau le sang nègre et en être fiers. Etre fiers de ce que nous sommes !

*Durban 2001 : Conférence Mondiale contre le Racisme, à l’initiative des Nations Unies, a eu lieu du 31 Août au 7 septembre 2001, au cours de laquelle, des réparations financières ont été proposées pour l’ Esclavage, ce qui a suscité une vive polémique.



Sunday, July 23, 2006

La division du travail entre les Etats-Unis et l’état sioniste

La division du travail entre les Etats-Unis et l’état sioniste

El Houssine

Les relations entre l’administration Bush et l’état sioniste sont instituées à la manière des vases communicants. La communication bat son plein entre les deux entités guerrières et expansionnistes parce qu’elles entretiennent des rapports très fluides de part et d’autre. Les émetteurs et les récepteurs s’entendent trop bien. Il leur arrive très rarement d’avoir quelques minimes divergences qu’ils parviennent vite à dépasser. En même temps que les deux entités montrent clairement qu’elles maîtrisent le jeu du « loup qui témoigne en faveur de sa queue » tout en changeant de rôle en étant soit le loup, soit sa queue selon les circonstances. De sorte que les opérations militaires ou autres ne peuvent être que cautionnées par cette partie ou l’autre.

Le témoignage ne s’arrête pas là. Il s’accompagne de campagnes de désinformation pour justifier leurs actes belliqueux tout en encourageant l’une ou l’autre partie à poursuivre ses aventures militaires et en accordant une importance non méritée aux justifications mensongères émises « en faisant d’un grain une coupole ». Parfois, ces régimes n’ont aucunement besoin d’avancer des justifications du fait que, réellement, les raisons entonnées se fondent sur des procès d’intention essayant de prévenir des situations probables dans un très long terme comme pour le cas du bombardement par l’état sioniste du réacteur nucléaire irakien en 1981. Dans tous les cas, il n’est pas surprenant de constater que la première phrase, qui sort de la bouche des responsables des deux régimes, est que « ce pouvoir a le droit de se défendre ». Ce qui correspond à un feu vert pour toutes les espèces d’actions menées quelle que soit leur atrocité. Il va sans dire que le soutien mutuel ne se fera pas attendre après avoir avalisé les interventions militaires contre des pays donnés.

Pour mettre en évidence le bien fondé des remarques sus - citées, les exemples ne manquent pas. L’histoire de la connivence des gouvernants des Etats-Unis et de l’état sioniste ne date pas d’hier. Le Moyen Orient constitue le champ d’expérimentation favori de leur coordination étroite et de leurs agressions répétées. Ces régimes se permettent des folies meurtrières dans cette région du monde. Ils n’affichent aucune sorte de respects aux pouvoirs en place au Moyen Orient. Nul régime et nul pays n’est à l’abri de leurs agressions pour des causes illusoires ou sans causes. Les frappes punitives, les attaques préventives, les invasions et les blocus peuvent être commis contre des pays de la région à tout instant et en bafouant toutes les règles du droit international. L’entité sioniste, quant à elle, sait qu’elle est immunisée contre tout risque de condamnation par les instances internationales, le conseil de sécurité de l’ONU en particulier, du fait que l’administration américaine lui est acquise et qu’elle se précipiter à user de son véto dans de telles occasions. C’est ce qui fait qu’elle sent qu’elle a les mains libres pour commettre tous les crimes qu’elle veut sitôt que les gouvernants des Etats-Unis lui accordent leur feu vert. Ce feu vert est toujours garanti d’ailleurs au vu des enchevêtrements de liens existant entre les sionistes et les chrétiens sionistes américains d’une part et des pressions du lobby sioniste sur l’administration américaine. C’est-à-dire que la voie est bien balisée pour que l’entité sioniste mette ses menaces à exécution et pour qu’elle mette en application tous ses plans expansionnistes et destructeurs contre les nations du Moyen Orient.

Les événements effroyables, que vit actuellement la région du Moyen Orient, ne constituent qu’un maillon de ce jeu perfide cher aux sionistes et à l’administration américaine. Ils dénotent d’une agressivité barbare qu’aucun humain digne de ce nom ne peut que stigmatiser. Ils ressemblent fort à des « punitions collectives » du peuple palestinien et du peuple libanais. Les raisons invoquées, pour entrer en guerre dans les deux cas, ne peuvent justifier de tels massacres et de telles destructions. Ce qui est malheureux s’avère être que la communauté internationale se retrouve dans l’incapacité d’exercer les pressions qu’il faut pour mettre un terme aux guerres perpétrées par l’entité sioniste et que certains gouvernants occidentaux ou arabes s’alignent du côté des sionistes en s’empressant de vite désigner les « coupables » et d’émettre des signaux en direction de ces sionistes pour leur signifier, eux aussi, qu’ils « ont le droit de se défendre ». Et ce alors que les guerres globales déclarées et entreprises concrètement démontrent qu’il n’y a aucune commune mesure entre les prétextes et les punitions collectives que l’entité sioniste est en train d’infliger aux deux peuples. Dans de tels moments, bien évidemment, l’état sioniste compte sur les vétos américains pour pouvoir réaliser les objectifs fixés à ces guerres.

Dans le premier cas, la justification donnée au blocus de la Bande de Gaza se rapporte au fait qu’un soldat israélien a été capturé par des groupes armés palestiniens qui entendaient faire pression sur les gouvernants sionistes en vue de la libération des prisonniers palestiniens. Parce qu’un soldat israélien a été « kidnappé », la réponse de l’état sioniste ne s’est pas faite attendre. Une vraie guerre est déclarée aux palestiniens de Gaza dans laquelle toutes les armées entrent en action et tous les coups sont permis. Les sionistes font semblant d’oublier que les prisonniers palestiniens se comptent par milliers dans les geôles israéliennes, que les vraies causes de cette guerre ne sont pas divulguées et que ses buts dépassent de loin la libération du soldat. C’est ce que révèlent les faits. Le bombardement de la centrale électrique, la destruction des infrastructures, la démolition des maisons sur les têtes de leurs habitants, le rapt de plusieurs ministres, de parlementaires et des conseillers communaux, les assassinats ciblés, le manque d’eau et d’électricité, le bombardement des locaux des membres du gouvernement palestinien, ... toutes ces actions barbares laissent entrevoir que les sionistes, comme à leur habitude, ne doivent pas laisser de répit aux palestiniens pour construire les fondements de leur Etat tant souhaité et qu’il faudrait, à chaque fois, les amener à recommencer par le commencement. Même si leurs ressources ne leur offrent pas les possibilités de fonder leur Etat en tant que structures et institutions politiques et en tant qu’infrastructures et patrimoines pour servir les intérêts citoyens, le peu que les palestiniens arrivent à construire doit être détruit pour que leur rêve d’Etat se transforme en mirage. Le choix de la punition collective répond à cet acharnement des sionistes à faire voler en éclats les aspirations des palestiniens à vivre dans un Etat indépendant et démocratique. Il va sans dire qu’à côté de cet objectif stratégique, l’entité sioniste tente d’atteindre d’autres objectifs relatifs à l’affaiblissement de l’autorité palestinienne en tant que présidence et gouvernement, à l’accentuation des antagonismes entre les palestiniens dans le but de préparer le terrain à une guerre civile entre les différentes forces politiques, au règlement de comptes vis-à-vis des organisations palestiniennes, à semer la terreur pour inciter les palestiniens à quitter leurs terres, à la recolonisation des territoires palestiniens, ... L’administration Bush entre en scène en utilisant son droit de véto pour contrer une motion dirigée contre l’état sioniste au conseil de sécurité de l’ONU. Malgré la barbarie de l’état sioniste soutenu par l’administration américaine, les palestiniens, martyrisés et habitués aux sacrifices, arrivent à déjouer les plans des sionistes et à mettre en échec leurs machinations.

Le cas libanais a des similitudes avec ce qui se passe à Gaza. Il en diffère par l’ampleur des moyens militaires mobilisés par l’armée sioniste et de l’espace où se déroule la guerre. Comme il a des traits communs du fait qu’il s’agit dune guerre globale et ouverte dans l’espace et dans le temps. Dans les deux cas, l’état sioniste commence par poser comme condition pour l’arrêt de la guerre la libération des soldats capturés. A mesure que son armée s’enfonce dans la guerre, il multiplie les conditions qui n’ont rien à voir avec la capture des soldats qu’il réglait, auparavant, par des pourparlers qui se terminent par l’échange des prisonniers. Cette fois, les gouvernants sionistes font une exception à la règle et ils imposent un blocus terrestre, aérien et maritime au Liban. Bush s’empresse de répéter la phrase qu’il connaît par la force de l’habitude : « Israël a le droit de se défendre ». D’autres gouvernants arabes lui emboîtent le pas en montrant du doigt le « coupable ». Les gouvernements occidentaux font de même en signalant que « l’utilisation de la force est disproportionnée ». Puis, ils ont tous laissé faire l’état sioniste. Alors, l’armée sioniste s’est mise à bombarder tout ce que le Liban possède comme patrimoines dans son étendue en n’excluant ni les civils, ni les ports, ni les aéroports, ni les ponts, ni les routes, ni les habitations, ni les stocks de carburants, ni les usines, ... Toutes ces destructions et ces crimes ne représentent pour l’état sioniste que des représailles que le Liban et les libanais méritent pour les punir collectivement parce qu’ils ont osé capturé deux soldats israéliens. Tout un chacun peut se demander si la prise en otage de deux soldats équivaut à tous ces massacres. Toute personne sensée consentira à dire que les termes de l’équivalence ne sont pas concordants. Ce qui veut dire que la guerre globale contre une nation souveraine, que l’état sioniste engage contre le Liban en tant que terre et en tant que citoyens, outrepasse ce dont prétextent les gouvernants sionistes. Ce qui leur tient à cœur n’est pas tant la libération des deux soldats que d’autres buts non déclarés d’une portée stratégique et qui touchent à la souveraineté du Liban dans le cadre d’une refonte de la région du Moyen Orient au profit de l’état sioniste. Ces changements passent nécessairement par la destruction des pays de la région et leur fragilisation pour demeurer dans un état de dépendance vis-à-vis des Etats-Unis par l’interposition des institutions financières internationales et les marchés de « reconstruction » en faveur des sociétés transnationales des membres de l’administration américaine et, éventuellement, des sociétés israéliennes. Comme signalé précédemment, cette guerre sioniste contre le Liban a d’autres objectifs relatifs au rééquilibrage des forces à l’intérieur du pays, à l’affaiblissement de l’influence syrienne et de l’influence iranienne, la mise en place d’une zone tampon au sud du pays, ...

La barbarie, avec laquelle se conduit l’état sioniste aux dépens des peuples palestinien et libanais, n’est là que pour rappeler les sauvageries similaires perpétrées par les Etats-Unis en Irak, en Yougoslavie, ... Par le biais de leurs armes « intelligentes », ils ont tout détruit reléguant ces pays vers les temps anciens. Ce qui les rend toujours vulnérables et les confines dans des situations d’inaptitude à leur reconstruction susceptible de les adapter au présent de l’humanité. C’est dire que les Etats-Unis tout comme l’entité sioniste s’acharnent à interdire et à faire avorter les projets de décolonisation, de construction et de modernisation des nations en réduisant à néant tous les efforts consentis par ces pays pour avoir une place digne dans le concert des nations. Pour ce faire, ils procèdent par une division du travail entre eux selon les forces et les potentialités des pays. De cette façon, les Etats-Unis s’occupent de détruire les pays ayant déjà brûlé certaines étapes dans la course vers le développement alors que l’état sioniste assume les mêmes taches en ce qui concerne les petites nations qui l’entourent. Cette division du travail ne les empêche pas de maintenir les réseaux de coordination et de soutien réciproques de façon pas très voyante quelques fois.

Il semble que l’acharnement de l’administration américaine et des gouvernants sionistes, à détruire et à tuer le plus grand nombre de citoyens civils en majorité, n’est pas sur le point de s’achever. Bien d’autres épisodes de ce feuilleton macabre attendent que se présentent les occasions voulues pour les mettre à exécution. L’agenda de ces malades de la destruction et de la mort est bien rempli. C’est en exerçant des pressions à la hauteur des crimes commis que les humains peuvent arrêter les massacres et les folies destructrices et meurtrières des gouvernants américains et sionistes nostalgiques des barbaries commises contre les peuples et qui continuent à perpétrer ces barbaries en bafouant toutes les valeurs et les lois bâties par l’humanité.

Le Sorbonnard qui vend des tapis

Le lendemain, dans la médina, je fais la connaissance de M., un bazariste qui ne vend ses tapis qu’après avoir fait passer une sorte d’examen à l’impétrant. « Je ne veux pas que mes pièces uniques finissent dans un cagibi. » C’est un connaisseur qui rêve d’ouvrir un musée du tapis à Meknès. Á souq al-haïk, il fait de la résistance : le prêt-à-porter envahit tout, et les Chinois montrent le bout de leur nez. Après avoir bu force verres de thé, je me fais la réflexion que cet homme très courtois dispose d’un vocabulaire étonnement étoffé pour un bazariste, aussi bien dans la langue de Jahiz, que dans celle de Hugo. Une question en appelle une autre, et voilà notre homme qui se lève et va chercher, sous une peau de mouton, un exemplaire broché de la thèse sur « L’esthétique du théâtre politique anglais contemporain » qu’il a soutenue en Sorbonne en avril 2003.

- Et alors ?

- Alors, je vends des tapis.


Laroui, Fouad, « Les Marocains ne sont plus ce qu'ils étaient », Jeune Afrique l'Intelligent, N°2374, 9-15 juillet 2006, p.67

Friday, July 21, 2006

Correspondance ouverte


Correspondance ouverte

Par, Abdelkebir Khatibi et Ghita el Khayat

« J'appelle "aimance" cette langue d'amour qui affirme une affinité plus active entre les êtres, qui puisse donner forme à leur affection mutuelle et à ses paradoxes. Je suis convaincu qu'une telle affinité est à même de libérer entre les partenaires un certain espace inhibé de jouissance. Un lieu de passage et de tolérance, un savoir vivre ensemble entre genres, sensibilités et cultures diverses. L'Aimance ne se substitue pas à l'amour en tant que mot et fragment du réel, elle le prolonge. En dégageant un lieu encore silencieux, elle ne résout aucune énigme ; elle en propose une autre, qui soit un dialogue plus sensible entre corps et esprit. »

A.K.

Rid of Self

Rid of Self

If you could get rid of yourself just once,

The secret of secrets

Would open to you.

The face of the unknown,

Hidden beyond the universe

Would appear on the

Mirror of your perception.

~Rumi

Amour, ta blessure dans mes veines



Amour, ta blessure dans mes veines




Royaume et sultan tu deviens,
Éden et portier tu deviens,
Et toi, et pêché tu deviens,
Et gazelle et lion tu deviens.

Tel souffle et coeur un tu deviens,
Tu deviens visible et invisible,
Tu deviens et amer et sucre,
Substance du vin tu deviens.

De chaque maison la lucarne,
De chaque jardin les rosiers,
Sans moi, c'est Moi que tu deviens,
Lorsque toi, sans toi tu deviens.

Jalal-Eddin Rumi
In "Amour, ta blessure dans mes veines", Éd.
JC Lattès

Les labyrinthes de l'information

Les labyrinthes de l'information


Jacques ATTALI


QUICONQUE a essayé un jour d'entrer dans Internet sait qu'il ne faudrait pas parler d'«autoroutes» de l'information mais plutôt de labyrinthes: gigantesque enchevêtrement de ruelles et d'impasses, de bibliothèques et de cafés, le réseau se compose de mille chemins qui souvent se terminent en impasses. Internet ressemble plus au labyrinthe d'une ville médiévale, sans véritable architecte, qu'au bel ordonnancement d'une autoroute. Certes, comme les autoroutes l'ont fait depuis cinquante ans, Internet jouera un rôle majeur dans l'avenir des communications entre les hommes. Mais il ne s'agira pas de courses le long de lignes droites mais de voyages buissonniers, virtuels, immobiles, ce qui renvoie là encore au labyrinthe, simulacre de voyage.

Pendant longtemps, la métaphore majeure pour désigner le progrès a été la ligne droite, meilleur moyen d'économiser de l'énergie. Et c'est sans doute pour cela que le mot d'autoroute est venu à l'esprit lorsqu'il s'est agi de nommer les réseaux multimédias en gestation. Mais cette métaphore est anachronique et trompeuse: dans l'univers de l'information règne la complexité; il ne s'agit plus d'économiser de l'énergie mais de produire et de transmettre de l'information. Et dans ce paradigme, le simple n'est pas le mieux. Le maître mot de la société moderne deviendra celui de labyrinthe. Tout, dans nos sociétés, en prend la forme. D'abord, l'informatique est labyrinthique: le microprocesseur est comme un labyrinthe de puces; la succession d'instructions binaires des programmes informatiques doit être lue comme une succession de choix d'emprunter tel ou tel chemin.

Les jeux vidéo consistent eux aussi à parcourir un labyrinthe sans tomber dans les multiples pièges qui y sont cachés; ils sont même, dans leurs versions les plus récentes, branchés sur les réseaux et permettent de jouer avec des partenaires, dans des labyrinthes de labyrinthes. Plus encore, si l'on y réfléchit bien, la plupart des éléments de la vie moderne y renvoient. La ville est un labyrinthe; les réseaux de pouvoirs et d'influence, les organigrammes, les cursus universitaires, les carrières dans l'entreprise en sont aussi, faits d'une succession de pièges et de choix binaires. Les manipulations génétiques se présentent encore comme la création d'une série de labyrinthes codés.

L'empreinte digitale est un labyrinthe propre à chaque individu. Jusqu'à la psychanalyse qui désigne l'inconscient comme un monstre tapi au fond d'un labyrinthe et qui se donne comme objet de comprendre les rêves où le dormeur est confronté au choix angoissant d'un chemin à prendre dans un dédale d'interdits. Il nous faut donc apprendre à penser labyrinthe.

Pour cela, il faut retourner aux sources: le labyrinthe est une des plus vieilles figures de la pensée humaine. Il était, dans les temps les plus reculés, la meilleure façon de piéger le temps, d'empêcher les profanateurs d'approcher d'un tombeau ou d'un lieu sacré. Quelque chose comme un code de coffre-fort; un code spatial et mental, un rituel de passage. On en trouvait, partout: en Egypte, en Chine, en Inde, au Tibet, en Grèce, en Bretagne, en Amérique, en Afrique. Parfois avec les mêmes dessins à des milliers de kilomètres. Ils étaient de pierre, de végétaux ou simplement gravés ou peints sur des murs. En Egypte, ils représentaient le chemin suivi par l'âme. En Méditerranée, ils servaient de guides à des danses rituelles. Dans toutes les cultures, ils symbolisaient le voyage intérieur d'un homme à la recherche de sa vérité, nomadisme virtuel.

Avec la modernité, le nomade laisse la place au sédentaire; le labyrinthe disparaît au profit de la ligne droite. Il se réfugie dans les jardins de couvents où il n'est plus qu'une façon élégante de permettre aux fidèles de faire, à peu de frais, un simulacre de croisade, en circulant dans un labyrinthe dont le centre mime Jérusalem. On le trouve aussi dans les jardins anglais comme un jeu de société, toujours nomadisme virtuel, cette fois ludique.

Et il est aujourd'hui de retour, pour des raisons voisines: comme pour le pèlerin immobile des couvents, les labyrinthes modernes transforment l'homme en un nomade virtuel, voyageur de l'image et du simulacre, qui travaille et consomme à domicile, voyageant dans des réseaux d'information, s'il n'a pas les moyens d'être ce nomade de luxe, voyageur de tous les plaisirs, qui demain dictera ses valeurs à la classe moyenne. Alors, il nous faudra réapprendre les secrets de cette ancienne sagesse, étudier toutes les stratégies permettant de les dessiner et de ne pas s'y perdre, fondées sur l'intuition et la mémoire. Il nous faudra réapprendre à voir le monde à partir de cette métaphore. Par exemple, il faudra comprendre que le temps ne s'écoule pas dans une direction unique mais qu'il s'étale, comme de l'eau dans un labyrinthe, avec des allers et des retours, des spirales et des impasses, des proximités lointaines et des distances trompeuses.

Dans cet univers, les mythes auront beaucoup à dire; et d'abord évidemment celui du Crétois qui fit du labyrinthe le lieu de dissimulation de la barbarie. Qui sera Minos, le pouvoir qui veut enfouir ses secrets dans le labyrinthe ? Qui sera Thésée, qui veut les dévoiler ? Et Ariane, la rebelle, qui lui donne le fil pour l'amour de la vie ? Et Dédale, le génial inventeur du piège seul capable de le déjouer ? Et le Minotaure, la chimère, le monstre, l'inconscient, l'ennemi enfoui dans chaque homme, qu'il lui faut mettre au jour pour le détruire ? Et Icare, le démiurge, qui, pour s'évader du labyrinthe, utilise les ailes mises au point par son père, le sage Dédale, mais qui montera trop haut et chutera ? Que sera enfin la cire, grandeur et limite de l'intelligence humaine, parce qu'elle lui permet de fixer des ailes a ses épaules et d'échapper au labyrinthe par le haut, au moins aussi longtemps qu'il ne tente pas de s'approcher trop du soleil ? De Dédale à Internet. Très loin. Et très proche. Exactement comme deux points voisins d'un labyrinthe.

Brève considération géopoétique: où commencent Orient et Occident?

Brève considération géopoétique: où commencent Orient et Occident?
Jalel El Garbi

Il n’est pas très confortable d’être un passionné d’Occident quand on est oriental et il n’est pas confortable d’être épris d’Orient quand on est occidental. Dans un cas on passe pour être à la solde des puissances étrangères et dans l’autre cas, on est estimé victime de ce prisme déformant qu’est l’exotisme.

Il n’est pas très confortable d’être.

Peut-être est-il doublement difficile d’être lorsque on porte en soi cette double appartenance qu’on peut délibérément avoir choisi de cultiver.
Sans le vouloir, j’ai usurpé un nom (El Gharbi, en arabe l’occidental) et pour rien au monde je ne le changerais.

Où commence l’Orient commence l’Occident. Mais ce singulier me gêne. On devrait dire les Orients et les Occidents. Dans le Coran, ces mots se déclinent au duel et au pluriel. Puis, à la réflexion, qu’importent Orient et Occident ? J’essaie par là de paraphraser le grand poète Ibn Arabi (né à Murcie, cet Occident de l’Orient en 1165 et mort à Damas cet Orient de l’Occident en 1241). J’aime à citer ces vers du poète:

«L’éclair venant d’Orient, il y aspira
S’il était apparu en Occident, il y eut aspiré
Quant à moi, je suis épris du petit éclair et de sa perception
Je ne suis épris d’aucun lieu, d’aucune terre»

Et il me plait de corriger ces vers ainsi: j’aime tous les lieux où se réalisent ces renversantes épiphanies du beau. Ce sont les mosaïques du Bardo, de Sienne, de Damas, les sculptures de Rome, les colonnes de Baalbek, une peinture à Paris ou à Londres, un manuscrit enluminé à Istanbul. Je cherche à dire que le beau exige un cheminement, des voyages et une spiritualité. Un pélerinage. Une spiritualité du beau demande à naître. Une autre logique demande à naître dont j’esquisse pour vous quelques traits, vous verrez que ce sont les canons même de la poésie:

Pour affirmer mon arabité, je la renie ; pour renier mon occidentalité je la cultive. Ni l’un ni l’autre, c'est-à-dire et l’un et l’autre. Aujourd’hui, il s’agit d’être à l’image de l’olivier coranique, ni oriental ni occidental, c’est-à-dire tout à la fois oriental et occidental.

Je suis ce que je nie! Un autre cogito est à inventer qui ferait dépendre l’être du non être, qui dirait la contiguïté entre l’être et le néant et qui serait abolition des frontières entre l’affirmation et la négation.
Les frontières ne sont pas les limites d’un monde; elles sont appel au franchissement, appel à la transgression, tentations de l’ailleurs. Les frontières attisent mon désir de les franchir. Les frontières sont un adjuvant du désir.


C’est à la faveur de cette rêverie que je m’adonne souvent à un brouillage des cartes pour entretenir ce rêve de ce que j’ai appelé un jour «Orcident» ou «Occirient».

Donc: où commence l’Orient commence le rêve, l’onirisme. Où commence l’Orient commence l’Occident, ses rêves, son onirisme: la frénésie exotique du XIXème était avant tout frénésie d’images venues d’ailleurs, ou frénésie d’images du même travesti sous les signes de l’autre, surdéterminé par la distance. Delacroix peignait des bains qui tiennent des boudoirs. Baudelaire cherchait ses rêves d’Orient du côté de la Hollande.
O
n est tous l’Orient de l’autre, l’occident de l’autre. L’autre revient au même. L’autre n’est pas. Il n’est même pas autre.

Plus les cartes géographiques comportent d’erreurs, plus elles sont belles. Je préfère les portulans historiés aux cartes d’aujourd’hui dont l’exactitude est affligeante.

Un éloge de l’erreur est à écrire. Si je ne me trompe pas.

Il me reste à dire que je ne perds pas de vue le caractère foncièrement utopique de cette rêverie. Je n’oublie pas que nous nous sommes installés depuis les Croisades et les entreprises coloniales dans une logique de rapport de force et d’occultation de l’apport de l’autre. Dans la rive Sud de la Méditerranée, ce rapport de force trouve son illustration la plus douloureuse dans la question palestinienne qui exige une solution équitable, il peut être illustré également par l’abîme qui sépare le Nord et le Sud. Aujourd’hui les nouveaux manichéens, ceux pour qui le monde est divisible par deux (nous/les autres, autrement dit les forces du bien et l’axe du mal) ont plus d’un argument qui leur permettent de recruter leurs adeptes. Ces arguments se sont l’injustice, l’absence de démocratie et la misère. Notre nombre est-il en train de décroître nous qui pensons que le monde n’est pas divisible par deux?

Dans ce monde qui a retrouvé le confort des dichotomies manichéennes, il convient de saluer

ceux qui par leur naissance brouillent les identités!
ceux qui par leur culture brouillent les pistes!
ceux qui par leurs amours ont choisi d’autres contrées!
ceux qui par leur désir, leur rêve ont un jour aspiré à une altérité sans laquelle le monde serait inhabitable!

Art, vérité et politique

Art, vérité et politique, par Harold Pinter

Extracts :


En 1958 j'ai écrit la chose suivante : "Il n'y a pas de distinctions tranchées entre ce qui est réel et ce qui est irréel, entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Une chose n'est pas nécessairement vraie ou fausse ; elle peut être tout à la fois vraie et fausse."

Je crois que ces affirmations ont toujours un sens et s'appliquent toujours à l'exploration de la réalité à travers l'art. Donc, en tant qu'auteur, j'y souscris encore, mais en tant que citoyen je ne peux pas. En tant que citoyen, je dois demander : Qu'est-ce qui est vrai ? Qu'est-ce qui est faux ?

La vérité au théâtre est à jamais insaisissable. Vous ne la trouvez jamais tout à fait, mais sa quête a quelque chose de compulsif.

Le langage, en art, demeure donc une affaire extrêmement ambiguë, des sables mouvants, un trampoline, une mare gelée qui pourrait bien céder sous vos pieds, à vous l'auteur, d'un instant à l'autre.

Mais, comme je le disais, la quête de la vérité ne peut jamais s'arrêter. Elle ne saurait être ajournée, elle ne saurait être différée. Il faut l'affronter là, tout de suite.

Mais avant de revenir au temps présent, j'aimerais considérer l'histoire récente, j'entends par là la politique étrangère des États-Unis depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Je crois qu'il est pour nous impératif de soumettre cette période à un examen rigoureux, quoique limité, forcément, par le temps dont nous disposons ici.

Tout le monde sait ce qui s'est passé en Union soviétique et dans toute l'Europe de l'Est durant l'après-guerre : la brutalité systématique, les atrocités largement répandues, la répression impitoyable de toute pensée indépendante. Tout cela a été pleinement documenté et attesté.

Mais je soutiens que les crimes commis par les États-Unis durant cette même période n'ont été que superficiellement rapportés, encore moins documentés, encore moins reconnus, encore moins identifiés à des crimes tout court. Je crois que la question doit être abordée et que la vérité a un rapport évident avec l'état actuel du monde. Bien que limitées, dans une certaine mesure, par l'existence de l'Union soviétique, les actions menées dans le monde entier par les États-Unis donnaient clairement à entendre qu'ils avaient décrété avoir carte blanche pour faire ce qu'ils voulaient.

L'invasion directe d'un état souverain n'a jamais été, de fait, la méthode privilégiée de l'Amérique. Dans l'ensemble, elle préférait ce qu'elle a qualifié de "conflit de faible intensité". "Conflit de faible intensité", cela veut dire que des milliers de gens meurent, mais plus lentement que si vous lâchiez une bombe sur eux d'un seul coup. Cela veut dire que vous contaminez le cœur du pays, que vous y implantez une tumeur maligne et que vous observez s'étendre la gangrène. Une fois que le peuple a été soumis - ou battu à mort - ça revient au même - et que vos amis, les militaires et les grandes sociétés commerciales, sont confortablement installés au pouvoir, vous allez devant les caméras et vous déclarez que la démocratie l'a emporté. C'était monnaie courante dans la politique étrangère américaine dans les années auxquelles je fais allusion.


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