Sunday, January 14, 2007

Bush dans les sables mouvants

Irak : Bush dans les sables mouvants


Un article d'El Watan, quotidien algérien "indépendant"
Edition du 3 janvier 2007


Le président américain face au casse-tête du maintien des troupes US en Irak : Bush dans les sables mouvants

L’exécution barbare de Saddam Hussein permet aujourd’hui au monde entier de redécouvrir l’ampleur de l’enfer irakien. Cela fait des mois que des civils meurent par paquet dans ce pays sans que cela fasse bouger les consciences médiatiques et politiques des Occidentaux.

Hier seulement, et d’après les agences de presse, 45 personnes ont été trouvées à Baghdad, assassinées dans des conditions troubles. Selon un décompte non officiel, le nombre de morts a dépassé les 600 000. Un véritable génocide !

Non, personne ou presque ne tire la sonnette d’alarme dans « le monde civilisé " (l’expression de George W. Bush est désormais consacrée). Il a fallu que l’exécution barbare de Saddam Hussein soit faite sous forme spectaculaire, comme pour assouvir un certain besoin moyen-âgeux de vengeance, pour que l’on reparle de la situation dramatique de l’Irak.

Des mois durant, la guerre imposée à ce pays est traitée sous forme de faits divers, comme s’il s’agissait de simple brigandage. D’une guerre d’occupation, qui n’a plus aucun sens, cela est devenu une guerre civile et parfois « une guerre contre le terrorisme ».

Le ridicule « jonglage » médiatique a fini par banaliser la guerre la plus meurtrière de ces cinquante dernières années.

Aux deux questions : où est passé Oussama Ben Laden puisque officiellement toute cette instabilité est créée à cause de lui et de ce sac fourre-tout qu’on appelle Al Qaîda ? Et que va devenir l’Irak ? On préfère servir du matraquage, accompagné par un discours qui n’est pas loin de la théorie flasque « du choc des civilisations », sur le nucléaire iranien. Comme si le sort de l’humanité était tributaire – et d’une manière définitive – de ce qui se passe dans les centrales nucléaires de l’Iran.

Les concepteurs du chaos, qui tournent autour du président américain, soufflent même l’idée d’une attaque contre l’Iran, même si le grossier mensonge sur les prétendues armes de destruction massive reste une tache noire dans la politique extérieure des Etats-Unis.

L’escalade semble être option pour faire oublier l’échec.


Que la plaie irakienne reste grande ouverte.
Que l’Afghanistan sombre dans le Moyen-âge.
Que le processus de paix soit neutralisé au Moyen-Orient.


Cela ne paraît pas entrer dans les calculs des uns et des autres. George W. Bush, qui croit que la pendaison de Saddam est « une étape importante sur le chemin de la démocratie », ne peut éviter l’obligation de trouver une solution au casse-tête irakien. D’abord, deep America (l’Amérique profonde) exige des comptes. C’est, après tout, les enfants de familles modestes, devenus soldats par nécessité, qui combattent en Irak, comme ce fut le cas, par le passé, au Vietnam.

Même si leur appel n’apparaît pas dans le conformisme médiatique d’outre Atlantique, les familles font de plus en plus de bruit pour exiger le retrait des troupes de l’Irak, sans condition. Donald Rumsfeld a bien compris l’effondrement de la stratégie militaire développée en Mésopotamie et a quitté, sans mot dire, son poste de secrétaire à la Défense. Pourtant, il était parmi ceux qui, à Washington, ont fait le plus de tapage pour attaquer l’Irak et amplifié le danger fantomatique de Baghdad.

« En Irak, le gouvernement étasunien est en train d’assister à la faillite de toute sa politique sur le Moyen-Orient (...) Il est aussi en train de réaliser les limites de son effrayante force militaire. Bush et sa clique le dénient, mais les USA sont en train de prendre la même route que celle qui les a conduits à la défaite en Corée et au Vietnam, tandis que leur armée est de plus en plus crispée et démoralisée », estime Gabriel Kolko, historien canadien.

Bush, qui n’a encore que deux ans à la Maison-Blanche, doit dire ce qu’il fera des 160 000 hommes engagés en Irak, y compris des mercenaires et des contractuels qui travaillent sous uniforme vert. Va-t-il écouter les recommandations de la commission Baker-Hamilton qui a préconisé un go home (retour) pour les 15 brigades de combat engagées en terre irakienne pour le début 2008 ? Une commission qui, tout de même, a proposé le maintien des forces spéciales pour, officiellement, combattre Al Qaîda, d’une part, et de l’autre, dégager « un consensus international » sur la stabilité de l’Irak et de la région. Ce consensus est-il possible ?

« La sécurité du peuple américain requiert que nous ne fléchissions pas pour faire en sorte que la jeune démocratie irakienne continue de progresser », dit, sérieusement, George W. Bush. Un simple d’esprit aura détecté qu’il n’existe, en pratique, aucun lien entre « la sécurité » du peuple US et « la jeune démocratie irakienne ». Sauf à croire à la propagande guerrière.

« Plus la responsabilité de la sécurité de l’Irak continuera à reposer principalement sur les forces américaines, plus difficiles seront les décisions que le gouvernement irakien devra prendre au sujet de la réconciliation nationale et des milices », a déclaré le commandant de la force multinationale en Irak, le général George Casey, dans une interview au New York Times.

Cette manière d’aborder le problème témoigne d’une incapacité, devenue dangereuse, de l’Administration Bush, et les néo-conservateurs qui lui inspirent les plans de politique extérieure, dévoile une réalité terrible : on ne sait plus où donner de la tête !

A moins qu’on pense que nourrir les déchirements confessionnels en Irak suffira à maintenir l’écran de fumée pour longtemps. On appelle cela : la terre brûlée.


Faycal Metaoui

Le renversement d'une domination

La domination d'Israël pourrait lentement se renverser
Par Rami G. Khouri

Bien des éléments pourraient faire croire que les Israéliens sont en train de gagner la guerre palestino-israélienne. Ils contrôlent et colonisent les terres arabes, jouissent de la supériorité militaire et du total soutien américain, et définissent unilatéralement la plupart des paramètres diplomatiques du conflit. Pourtant, cette analyse est peut-être erronée : les Palestiniens et les Arabes sont peut-être en train de commencer à gagner quelques batailles, en même temps qu'Israël est en train de perdre de son influence. Sept événements, au cours des cinq derniers mois, semblent donner crédit à cette hypothèse.

1) Le premier fut la capacité du Hizbullah à combattre Israël pendant 34 jours, cet été, et, le 34ème jour, à continuer à tirer des centaines de roquettes sur le territoire israélien. Mises de côté les conséquences morales et politiques, c'est la conséquence d'une réelle combinaison historique de volonté politique, de compétences techniques militaires, et d'une capacité à se garder des espions et infiltrations israéliennes, occidentales et arabes. Aucun parti arabe n'a jamais franchi ce seuil dans le long conflit d'un siècle avec le sionisme et Israël.

2) Le deuxième événement fut l'obligation, par Israël (et Washington), d'accepter la résolution de cessez-le-feu des Nations Unies en août, après que les Etats-Unis aient accordé à Israël des semaines de guerre supplémentaire pour frapper le Hizbullah.

Un groupe arabe déterminé a forcé Israël et les Etats-Unis à accepter une résolution politique en lieu et place de la victoire militaire, et la résolution de cessez-le-feu incluait des mesures qu'Israël a toujours rejeté auparavant – parlant de la zone occupée des Fermes de Shebaa dans le contexte du conflit israélo-libanais, plutôt que comme une terre syrienne occupée, et spécifiant le retour ou l'échange de prisonniers israéliens et libanais.

Israël a tranquillement abandonné sa position de principe, à savoir que les deux soldats israéliens enlevés par Hizbullah le 12 juillet devaient être rendus sans conditions. Le stationnement de plus de 20.000 troupes libanaises et internationales au Sud Liban était une vieille demande israélienne, mais elle a eu un prix : limiter le rayon d'action et les survols aériens d'Israël sur le Liban.

3) Le troisième développement notable fut lorsque Israël a accepté le cessez-le-feu avec les Palestiniens à Gaza en novembre dernier, après avoir déclaré que cela ne mettrait pas un terme à ses attaques et qu'il ferait le nécessaire pour récupérer le soldat israélien Gilad Shalit, que les guérillas palestiniennes avait enlevé à la frontière entre Gaza et Israël. La juxtaposition des événements de cet été au Liban et à Gaza sont très éloquents. Les prouesses militaires d'Israël, tant vantées, et son effrayante dissuasion n'ont pas réussi à empêcher les combattants libanais et palestiniens d'enlever trois de ses soldats dans les zones frontalières. Des semaines ou des mois après, Israël a ravalé ses paroles, mis de côté ses ultimatums et ses menaces, et accepté, dans les deux cas, les cessez-le-feu.

4) Le quatrième signe récent est qu'Israël a été incapable d'arrêter les roquettes Qassam artisanales tirées par les résistants palestiniens dans le sud du pays. La puissance militaire israélienne et les capacités de ses services secrets – ainsi que l'assassinat de quelques 400 Palestiniens depuis juin – n'ont pas arrêté de jeunes hommes déterminés à tirer leurs roquettes sur Israël.

5) Le cinquième incident remarquable est arrivé début novembre, lorsqu'Israël a coincé un groupe de combattants palestiniens dans une mosquée à Beit Hanoun, dans le nord de Gaza, espérant qu'ils se rendraient ou seraient tués. Au lieu de cela, 200 Palestiniennes ont brisé le siège, envahi la mosquée et fourni aux jeunes combattants les moyens de s'échapper, avec deux femmes tués et une douzaine blessées. La ligne de front qui avait été dessinée par les troupes israéliennes combattant une poignée de jeunes palestiniens s'est transformée dans l'armée israélienne se retrouvant elle-même impuissante – et défaite – en face de la population civile palestinienne.

6) Le sixième incident est intervenue à la mi-novembre, lorsque l'armée israélienne a téléphoné chez un militant palestinien du Camp de Réfugiés de Jabaliya, à Gaza, et a enjoint les habitants d'un immeuble d'habitation de trois étages de le quitter parce qu'il allait être détruit. Au lieu de partir, comme ils le font d'habitude, des centaines de civils ont envahi le bâtiment, se sont installés sur le toit, et ont mis au défi les Israéliens de les tuer tous. Face à des civils qui ne craignaient plus de mourir, la puissante machine à tuer israélienne et ses leaders politiques abasourdis se sont révélés tout d'un coup beaucoup moins impressionnants – car ils avaient perdu beaucoup de leurs capacités d'intimidation.

7) Le septième incident, au début de la semaine, fut la rencontre entre le Premier Ministre israélien Ehud Olmert et le Président palestinien Mahmoud Abbas, où il fut annoncé qu'Israël rendrait 100 millions de dollars de taxes et lèverait quelques check-points en Cisjordanie. Revenant sur son refus initial de faire le moindre geste ou de rencontrer les Palestiniens tant que Shalit ne serait pas libéré, Olmert a rencontré, parlé et fait quelques concessions aux Palestiniens sans que la libération de Shalit soit en vue.

L'histoire dira si ces événements signifient bien sûr un changement dans l'équilibre militaire ou politique de pouvoir dans les confrontations arabo-israéliennes.

Pour l'heure, nous devons espérer que la tendance dégagée lors de ces événements ouvrira les yeux et les cerveaux des dirigeants arabes et israéliens qui ont principalement compté sur la force militaire pour atteindre leurs objectifs, et les poussera plutôt sur le chemin des négociations, voie plus efficace pour obtenir leurs droits, et vivre une vie normale dans la paix, la sécurité et la reconnaissance mutuelle.


Source

Le droit d'Israël d'exister

Au sujet du “droit d’Israël d’exister” -
Ce qui est demandé est un jugement moral


Par John V. Whitbeck > jvwhitbeck@awalnet.net.sa
John V. Whitbeck, avocat international, est l’auteur de "The World According to Whitbeck" (“Le monde selon Whitbeck”).

Maintenant qu’une guerre civile, recherchée depuis longtemps par Israël, les Etats-Unis et l’Union Européenne, est sur le point d’éclater, il est temps d’examiner la justification mise en avant par Israël, les Etats-Unis et l’Union Européenne de la punition collective infligée au peuple palestinien en représailles à son "mauvais" choix lors des élections démocratiques de janvier dernier – c’est-à-dire le refus du Hamas de "reconnaître Israël" ou de "reconnaître l’existence d’Israël » ou de « reconnaître à Israël le droit d’exister".

Ces trois formulations ont été utilisées de façon interchangeable par les médias, les politiciens et même les diplomates, comme si elles signifiaient la même chose. Ce qui n’est pas le cas.

Reconnaître Israël” ou n’importe quel autre Etat est un acte officiel légal/diplomatique par un Etat envers un autre Etat. Il est inapproprié – et même absurde – de parler d’un parti ou d’un mouvement politique, même appartenant à un Etat souverain, qui donnerait reconnaissance diplomatique à un Etat. Parler de la «reconnaissance d’Israël» par le Hamas est tout simplement nul, un raccourci trompeur qui sème la confusion sur la demande réelle qui est faite.

Reconnaître l’existence d’Israël” n’est pas un non-sens logique et implique, à première vue, la reconnaissance manifeste d’un fait de la vie – comme la mort et les impôts. Pourtant, cette formulation comporte de sérieux problèmes pratiques. Quel Israël, à l’intérieur de quelles frontières, cela concerne-t-il ?

• Les 55% de la Palestine historique recommandés pour un Etat juif par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1947 ?

• Les 78% de la Palestine historique occupés par Israël en 1948 et considérés maintenant partout dans le monde comme « Israël », ou « territoire israélien » (« Israël proper » en anglais) ?

• Les 100% de la Palestine historique occupés par Israël depuis juin 1967 et montrés comme étant « Israël » sur les cartes des livres de classe israéliens ?

Israël n’a jamais défini ses propres frontières, puisque le faire le limiterait nécessairement. Cependant, si c’est tout cela qui était demandé au Hamas, il lui serait possible de reconnaître, comme un fait avéré, qu’un Etat d’Israël existe aujourd’hui à l’intérieur de quelques frontières spécifiées.

Reconnaître à Israël le droit d’exister”, la demande réelle, est d’un niveau totalement différent. Cette formulation ne concerne pas des formalités diplomatiques ou une simple acceptation de réalités présentes. Elle appelle un jugement moral.

Il y a une différence ENORME entre « reconnaître l’existence d’Israël » et « reconnaître à Israël le droit d’exister ».

D’un point de vue palestinien, la différence est de même niveau que de demander à un Juif de reconnaître que l’Holocauste a eu lieu et lui demander de reconnaître qu’il était « juste » que l’Holocauste ait eu lieu – que l’Holocauste (ou, dans le cas des Palestiniens, la Nakba) était moralement justifié.

Demander aux Palestiniens de reconnaître « à Israël le droit d’exister », c’est demander à des gens qui ont été traités, depuis presque 60 ans, et continuent d’être traités, comme des sous-hommes de proclamer publiquement qu’ils SONT des sous-hommes – et, au moins implicitement, qu’ils méritent ce qui a été fait, et continue d’être fait contre eux.

Même les gouvernements US du 19ème siècle n’ont pas demandé aux Natifs américains survivants de proclamer publiquement la "justesse" de leur nettoyage ethnique par les Visages Pâles comme préalable à toute discussion sur la réserve dans laquelle ils seraient enfermés – sous blocus économique et menace de famine jusqu’à ce qu’ils perdent tout ce qui leur reste de fierté et concèdent ce point.

Certains croient que Yasser Arafat a accepté cette reconnaissance pour en finir avec la sauvagerie de la diabolisation et gagner le droit d’être sermonné directement par les Américains.

En fait, dans sa fameuse déclaration de Stockholm en 1988, il a accepté "le droit à Israël d’exister en paix et en sécurité".

Cette formulation, d’une manière significative, concerne les / conditions / de l’existence d’un Etat qui, de fait, existe. Elle n’implique pas la question existentielle de la "justesse" de la dépossession et de la dispersion du peuple palestinien de sa terre natale pour faire de la place à un autre peuple venu de l’étranger.

L’invention de la formulation “droit à Israël d’exister" et son utilisation comme excuse pour ne discuter avec aucun gouvernement palestinien qui défendrait les droits fondamentaux du peuple palestinien, est attribuée à Henry Kissinger, le grand maître ès-cynisme diplomatique.

On peut douter que les Etats qui continuent à utiliser cette formulation le fassent en pleine conscience de ce qu’elle sous-entend, moralement et psychologiquement, pour le peuple palestinien et dans le même but cynique – une sorte de barrage empêchant toute avancée vers la paix et la justice en Israël/Palestine et une manière de donner encore plus de temps à Israël pour créer des situations irréversibles et blâmer en même temps les Palestiniens pour leurs propres souffrances.

Cependant, de nombreux citoyens honnêtes et de bonne volonté peuvent se laisser tromper par la simplicité superficielle des mots « le droit à Israël d’exister » (et encore plus aisément par les deux autres raccourcis) et croire qu’ils constituent une demande raisonnable et évidente, et que le fait de refuser une telle demande raisonnable est certainement un signe de perversité (ou d’"idéologie terroriste") plutôt que la nécessité de se raccrocher au respect de soi-même et à la dignité comme des êtres humains à part entière, ce que ressentent profondément et comprennent parfaitement, du fond de leurs coeurs et de leurs esprits, des gens trompés depuis longtemps qu’on a dépouillés de presque tout ce qui fait que la vie vaut le coup d’être vécue.

Ceci est avéré par les sondages montrant que le pourcentage de Palestiniens qui approuvent la fermeté du Hamas et son refus de plier devant cette demande humiliante de l’ennemi, malgré l’intensité des souffrances et douleurs économiques infligées par le siège israélien et occidental, dépasse de façon significative le pourcentage de population qui a voté pour le Hamas en janvier dernier.

Il n’est peut-être pas trop tard pour que les esprits honnêtes de par le monde attirent l’attention sur le caractère déraisonnable – et même immoral - de cette demande et sur la formulation verbale qui la sous-tend, dont l’utilisation abusive a déjà causé tellement de souffrances et menace d’en causer encore bien d’autres.

Source originale : CounterPunch

Traduction : MR pour ISM

Source française : http://www.ism-france.org/news/article.php?id=5991&type=analyse

La paix de l'occupant

La "Paix" de l'occupant ...

Les check-points "servent à nous humilier"


Les habitants de Cisjordanie affichent leur scepticisme face à l’annonce israélienne d’un allégement des barrages en Cisjordanie.

Les quatre blocs de béton qui barrent la route du village de Ras Karkar sont toujours là. Dix jours après l’annonce, le 25 décembre, par le premier ministre israélien Ehoud Olmert de la levée prochaine de certains barrages israéliens en Cisjordanie, la mesure tarde à se concrétiser.

Ras Karkar, à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Ramallah, pourrait être parmi les premiers bénéficiaires de cet allégement annoncé. La route principale, qui dessert également la colonie de Dolev, a été fermée en 2002 après une vague d’attentats suicides en Israël.

Depuis, les Palestiniens doivent emprunter une route de contournement, étroite et dangereuse, au fond d’une vallée encaissée qui n’était auparavant qu’un chemin de pâture pour le bétail. Cela allonge le trajet d’une dizaine de kilomètres.

« Regardez cette route ! On ne peut même pas se croiser à deux voitures. Il faut que l’un se range sur le côté pour laisser passer l’autre. Tous les mois, on doit changer un pneu à cause de l’état de la route qui abîme le caoutchouc », tempête un chauffeur du taxi qui balaye d’un haussement d’épaule les promesses israéliennes de faciliter les déplacements des Palestiniens en Cisjordanie. « Les annonces d’Olmert, c’est pour la presse. On n’a aucune confiance.

Depuis toujours, on entend dire que l’armée va lever des barrages. Ça n’arrive jamais. »

"Sur le terrain, on ne voit rien"

Devant la gare routière de Ramallah, d’où partent les taxis collectifs pour le nord de la Cisjordanie, les chauffeurs qui attendent les passagers pour Naplouse, Jénine ou Qalqilya, affichent le même scepticisme. « On n’a rien vu. Je fume toujours un paquet de cigarettes par jour en attendant aux check-points », ironise un chauffeur.

Tous passent plusieurs heures par jour aux différents points de contrôle qui coupent la Cisjordanie en plusieurs tronçons. « Il n’y a eu aucune amélioration, lance un autre. Les Israéliens parlent mais, sur le terrain, on ne voit rien. Vendredi 29 décembre, veille de l’Aïd, ils ont fermé le check-point d’Atara (NDLR : point de contrôle au nord de Ramallah). On a mis plus de quatre heures pour arriver à Qalqilya. »

Depuis la seconde Intifada, Israël a considérablement restreint la liberté de circulation des Palestiniens en Cisjordanie. Entre Ramallah et Naplouse, le trajet d’une quarantaine de kilomètres peut prendre entre 45 minutes et plus de trois heures, selon la sévérité des contrôles aux trois check-points qu’il faut traverser.

Lors d’une enquête, le bureau des Nations unies chargé de la coordination des affaires humanitaires (Ocha) a recensé pas moins de 534 « obstacles », check-points, blocs de béton ou simples amas de terre, qui entravent les déplacements des Palestiniens en Cisjordanie, sur un territoire de la taille d’un demi-département français. L’armée israélienne explique que ces barrages sont nécessaires pour empêcher la circulation des armes et des activistes palestiniens recherchés.

"Depuis deux ou trois ans tout est bloqué"

« Depuis deux ou trois ans tout est bloqué. Beaucoup de chemins ont été fermés », témoigne Abou Daoud par la fenêtre de sa longue Mercedes huit places. Parfois, nous sommes forcés de passer à travers champ, mais gare à toi si les soldats te voient. Ils peuvent te frapper ou casser la voiture. Des fois, ils confisquent les clés, c’est pour ça que tous les chauffeurs en ont au moins quatre », dit-il dans un éclat de rire, en agitant plusieurs trousseaux de rechange.

De son côté, l’armée israélienne affirme n’avoir reçu aucune consigne pour commencer à lever des barrages. « C’est encore au niveau politique, entre le bureau du premier ministre et celui du ministre de la défense », affirme une porte-parole du bureau de presse de l’armée israélienne. En fait, les généraux traînent les pieds pour appliquer ce plan de démantèlement, qu’ils jugent préjudiciable à la sécurité d’Israël et des colons qui vivent en Cisjordanie.

Selon les informations du quotidien israélien Haaretz, les premiers assouplissements pourraient commencer à prendre effet cette semaine. Si les mesures annoncées sont effectivement appliquées, 27 barrages routiers qui ne sont pas occupés par des soldats seront démantelés. Les contrôles seront également allégés sur une quinzaine de check-points.

Les check-points "servent à nous humilier"

Une goutte d’eau, juge Khaled, 30 ans, qui travaille à Ramallah et ne rentre chez lui à Naplouse qu’une fois par semaine pour éviter le tracas de check-points. « Souvent les soldats nous font descendre de voiture et nous demandent de nous déshabiller. Les check-points ne sont pas là pour arrêter les personnes recherchées. Ils servent à nous humilier, à faire sentir que les Israéliens sont là. C’est une forme de pression psychologique. Si certains barrages sont enlevés, à la moindre alerte, ils seront vite remis en place. »

Preuve supplémentaire pour les Palestiniens de l’ambiguïté de la politique israélienne, le jour de l’annonce de la levée de certains barrages, Ehoud Olmert a également officialisé la construction d’une nouvelle colonie juive dans la vallée du Jourdain, Maskiot, pour accueillir les colons évacués de Gaza en 2005.

C’est la première fois depuis dix ans qu’une colonie va être construite en Cisjordanie avec l’aval du gouvernement israélien. « Quel message cherchent-ils à envoyer ? », s’est interrogé Saeb Erekat, conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas, jugeant que cette construction violait le nouvel esprit de coopération affiché par le premier ministre israélien.

Karim LEBHOUR, à Ramallah
La Croix du 04 janvier 2007

http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=3605



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