Le renversement d'une domination
La domination d'Israël pourrait lentement se renverser
Par Rami G. Khouri
Bien des éléments pourraient faire croire que les Israéliens sont en train de gagner la guerre palestino-israélienne. Ils contrôlent et colonisent les terres arabes, jouissent de la supériorité militaire et du total soutien américain, et définissent unilatéralement la plupart des paramètres diplomatiques du conflit. Pourtant, cette analyse est peut-être erronée : les Palestiniens et les Arabes sont peut-être en train de commencer à gagner quelques batailles, en même temps qu'Israël est en train de perdre de son influence. Sept événements, au cours des cinq derniers mois, semblent donner crédit à cette hypothèse.
1) Le premier fut la capacité du Hizbullah à combattre Israël pendant 34 jours, cet été, et, le 34ème jour, à continuer à tirer des centaines de roquettes sur le territoire israélien. Mises de côté les conséquences morales et politiques, c'est la conséquence d'une réelle combinaison historique de volonté politique, de compétences techniques militaires, et d'une capacité à se garder des espions et infiltrations israéliennes, occidentales et arabes. Aucun parti arabe n'a jamais franchi ce seuil dans le long conflit d'un siècle avec le sionisme et Israël.
2) Le deuxième événement fut l'obligation, par Israël (et Washington), d'accepter la résolution de cessez-le-feu des Nations Unies en août, après que les Etats-Unis aient accordé à Israël des semaines de guerre supplémentaire pour frapper le Hizbullah.
Un groupe arabe déterminé a forcé Israël et les Etats-Unis à accepter une résolution politique en lieu et place de la victoire militaire, et la résolution de cessez-le-feu incluait des mesures qu'Israël a toujours rejeté auparavant – parlant de la zone occupée des Fermes de Shebaa dans le contexte du conflit israélo-libanais, plutôt que comme une terre syrienne occupée, et spécifiant le retour ou l'échange de prisonniers israéliens et libanais.
Israël a tranquillement abandonné sa position de principe, à savoir que les deux soldats israéliens enlevés par Hizbullah le 12 juillet devaient être rendus sans conditions. Le stationnement de plus de 20.000 troupes libanaises et internationales au Sud Liban était une vieille demande israélienne, mais elle a eu un prix : limiter le rayon d'action et les survols aériens d'Israël sur le Liban.
3) Le troisième développement notable fut lorsque Israël a accepté le cessez-le-feu avec les Palestiniens à Gaza en novembre dernier, après avoir déclaré que cela ne mettrait pas un terme à ses attaques et qu'il ferait le nécessaire pour récupérer le soldat israélien Gilad Shalit, que les guérillas palestiniennes avait enlevé à la frontière entre Gaza et Israël. La juxtaposition des événements de cet été au Liban et à Gaza sont très éloquents. Les prouesses militaires d'Israël, tant vantées, et son effrayante dissuasion n'ont pas réussi à empêcher les combattants libanais et palestiniens d'enlever trois de ses soldats dans les zones frontalières. Des semaines ou des mois après, Israël a ravalé ses paroles, mis de côté ses ultimatums et ses menaces, et accepté, dans les deux cas, les cessez-le-feu.
4) Le quatrième signe récent est qu'Israël a été incapable d'arrêter les roquettes Qassam artisanales tirées par les résistants palestiniens dans le sud du pays. La puissance militaire israélienne et les capacités de ses services secrets – ainsi que l'assassinat de quelques 400 Palestiniens depuis juin – n'ont pas arrêté de jeunes hommes déterminés à tirer leurs roquettes sur Israël.
5) Le cinquième incident remarquable est arrivé début novembre, lorsqu'Israël a coincé un groupe de combattants palestiniens dans une mosquée à Beit Hanoun, dans le nord de Gaza, espérant qu'ils se rendraient ou seraient tués. Au lieu de cela, 200 Palestiniennes ont brisé le siège, envahi la mosquée et fourni aux jeunes combattants les moyens de s'échapper, avec deux femmes tués et une douzaine blessées. La ligne de front qui avait été dessinée par les troupes israéliennes combattant une poignée de jeunes palestiniens s'est transformée dans l'armée israélienne se retrouvant elle-même impuissante – et défaite – en face de la population civile palestinienne.
6) Le sixième incident est intervenue à la mi-novembre, lorsque l'armée israélienne a téléphoné chez un militant palestinien du Camp de Réfugiés de Jabaliya, à Gaza, et a enjoint les habitants d'un immeuble d'habitation de trois étages de le quitter parce qu'il allait être détruit. Au lieu de partir, comme ils le font d'habitude, des centaines de civils ont envahi le bâtiment, se sont installés sur le toit, et ont mis au défi les Israéliens de les tuer tous. Face à des civils qui ne craignaient plus de mourir, la puissante machine à tuer israélienne et ses leaders politiques abasourdis se sont révélés tout d'un coup beaucoup moins impressionnants – car ils avaient perdu beaucoup de leurs capacités d'intimidation.
7) Le septième incident, au début de la semaine, fut la rencontre entre le Premier Ministre israélien Ehud Olmert et le Président palestinien Mahmoud Abbas, où il fut annoncé qu'Israël rendrait 100 millions de dollars de taxes et lèverait quelques check-points en Cisjordanie. Revenant sur son refus initial de faire le moindre geste ou de rencontrer les Palestiniens tant que Shalit ne serait pas libéré, Olmert a rencontré, parlé et fait quelques concessions aux Palestiniens sans que la libération de Shalit soit en vue.
L'histoire dira si ces événements signifient bien sûr un changement dans l'équilibre militaire ou politique de pouvoir dans les confrontations arabo-israéliennes.
Pour l'heure, nous devons espérer que la tendance dégagée lors de ces événements ouvrira les yeux et les cerveaux des dirigeants arabes et israéliens qui ont principalement compté sur la force militaire pour atteindre leurs objectifs, et les poussera plutôt sur le chemin des négociations, voie plus efficace pour obtenir leurs droits, et vivre une vie normale dans la paix, la sécurité et la reconnaissance mutuelle.
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