Monday, October 22, 2007

Peace

“I hope to show not only the contributions of an old and rich civilization. I hope to show, as Caliph al-Mamun concluded, that reason and faith can be the same, that by fully opening the mind and unleashing human creativity, many wonders -including peace- are possible.

Michael Hamilton Morgan, in “Lost History: The Enduring Legacy of Muslim Scientists, Thinkers, and Artists”, National Geographic Society, Washington D.C., June 2007, p.XV

Wednesday, October 10, 2007

Ramadan

« Ceux qui ont grandi sous la loi du jeûne, connaissent l’autorité fixe de temps. Ne savent-ils rendre plus docile leur volonté ! réprimer leurs passions et l’éveil des sens ! Entre l’aube et le crépuscule, la ville chemine comme un rêve dans le rêve. Le passant avance à la manière d’un fiancé inquiet avant la nuit nuptiale. Il côtoie pudiquement la femme, et la voici un ange, déjà un souvenir interdit, comme un vieux parfum qu’on ne sent plus qu’en mémoire.

Pour une journée de jeûne, on quitte ce qu’on possède, on le prête à Dieu. Au matin, les passants s’en vont, l’un après l’autre, vers leur lieu de travail. En s’arrachant à leur sommeil, ils rêvent éveillés dans une ville assoupie. Le temps s’en va, dit-on. L’espace aussi. La ville avec. Á la rupture du jeûne, deux voitures s’entrechoquent. Aucun agent de circulation. Á demain donc ! »

KHATIBI, Abdelkebir, Triptyque de Rabat, Éd. Okad, El Jadida, 2007, p.66

Monday, October 08, 2007

Ibn Khaldûn au prisme de l'Occident

Ibn Khaldûn au prisme de l'Occident

Krzysztof Pomian

Ed. Gallimard, coll. Bibliothèque des histoires,

234 p., 13,50 €.


« Génie exceptionnel pour les uns, miracle pour les autres, il [Ibn Khaldûn] constitue positivement un phénomène prodigieux, au sens où l’on a dit de Berlioz qu’il fut le phénomène le plus prodigieux de la musique du XIXe siècle, en suggérant quelque chose de rare et de surprenant », écrit, à propos de l’historien arabe du XIVe siècle, Abdesselam Cheddadi, traducteur en français du grand œuvre de Khaldûn, Le Livre des exemples (1) – sorte d’histoire universelle des hommes. « Quelque chose de rare et de surprenant » : la formule, Krzysztof Pomian aurait pu la reprendre à son compte, au seuil du très bel essai qu’il lui consacre aujourd’hui – une réflexion qui n’est pas d’orientation biographique ou monographique, mais s’emploie plutôt à mettre en regard la démarche intellectuelle d’Ibn Khaldûn et celle des historiens occidentaux qui lui furent contemporains, afin que de cette comparaison se dégagent tant l’ancrage de Khaldûn dans son temps et sa culture (l’islam médiéval) que sa parfaite singularité, son exceptionnelle stature intellectuelle.


Ignoré pendant des siècles, Ibn Khaldûn (1332-1406) fut redécouvert en Occident il y a deux cents ans de cela et considéré alors pêle-mêle et tour à tour comme le père de la science historique, le premier sociologue de l’histoire des hommes, le précurseur de l’anthropologie, l’initiateur d’un islam des Lumières… S’appuyant sur une lecture attentive du Livre des exemples, l’analyse de Krzysztof Pomian met tout ceci à plat, non pour le contredire, mais pour partout introduire de la nuance, éclairer, soupeser, comparer. Et ainsi mesurer, par exemple, comment s’articulent, chez Ibn Khaldûn, foi profonde et quête d’intelligibilité du réel ; comment s’organisent, dans sa spéculation, le respect du sacré et l’intérêt pour le profane, une stricte inscription dans l’islam et l’enseignement incontesté du Prophète, et une assimilation des théories aristotéliciennes. Et ainsi évaluer, encore, l’exceptionnelle « éthique » de Khaldûn l’historien, sa méthode, qui en fait un moderne et un précurseur : « Il parle en son nom propre, écrit Pomian. Il fait un vrai travail de recherche dans les dépôts d’actes, dans les ouvrages des historiens, ses prédécesseurs, et surtout – chose, de son temps, extraordinaire – sur le terrain. Et il le fait de façon méthodique […]. Il enquête, il auditionne, il écoute, il regarde [...]. Il unit la rigueur du savant à l’œil du reporter.
»


Parce que Khaldûn unit aussi « deux démarches séparées et assignées à deux modalités différentes d’activité intellectuelle : celle du savant et celle de l’écrivain », c’est du chroniqueur Froissart, qui fut son exact contemporain de l’autre côté de la Méditerranée, que Krzysztof Pomian rapproche Ibn Khaldûn, et son grand récit qui campe une histoire-livre « animée par les ambitions, les convoitises, les rancœurs, les haines, les jalousies, les peurs et autres passions ». De l’analyse de Pomian se dégage la grandeur d’Ibn Khaldûn, la nouveauté radicale de sa pensée. L’idée aussi, certainement, que sa vision du monde, du sacré, de l’histoire des hommes, a quelque chose à nous apprendre de l’islam contemporain et des modalités offertes d’un dialogue entre Orient et Occident. Nathalie Crom - Télérama 2964

(1) Ed. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1 560 p., 75 €. Abdesselam Cheddadi publie aujourd’hui l’étude très complète et érudite Ibn Khaldûn, L’homme et le théoricien de la civilisation, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des histoires, 530 p., 30 €.

Islam de marché ou marché de dupes ?

Par Haoues Seniguer

Le mois sacré du Ramadan, du moins consacré comme tel en islam, est devenu en Occident, plus que partout ailleurs sans doute, avec la présence massive de millions de musulmans principalement nés et socialisés en terre occidentale, un moment privilégié, une période particulièrement attendue parce qu’économiquement prolifique, du fait d’une observation accrue de cette pratique rituelle canonique.

Les commerçants ou PDG des grands groupes sont évidemment les premiers à s’en réjouir ainsi que des entrepreneurs musulmans opportunistes. Le musulman n’est-il finalement jamais aussi choyé, ménagé, flatté dans ses croyances, que lorsqu’il participe inlassablement à la prospérité économique de son pays. Cela personne n’y trouve rien à redire dans notre paysage politique sauf à de très rares exceptions.

En France, avec près de cinq millions de personnes de religion et/ou de culture musulmane(s), la fabrication, la confection et la commercialisation de produits dits Halal a progressé sur presque la totalité du pays. On en trouve à présent, disponibles sur les étales de la quasi-totalité des grandes surfaces de l’hexagone, offres peu ou prou diversifiées d’ailleurs, suivant la concentration des populations cibles, comme par exemple dans les agglomérations lyonnaises et parisiennes.

Ces produits génèrent une telle manne financière, du reste à ce point considérable qu’il est difficile de l’évaluer avec exactitude, que le marché du Halal est l’objet de toutes les convoitises et sujet à d’âpres concurrences. Cette manne supposée importante suscite à ce titre, au sein même de la communauté musulmane française, de profondes rivalités.

Des produits aussi divers que des quenelles, choucroute, raviolis, saucissons, hachis Parmentier (on en passe et des meilleurs) estampillés Halal, prospèrent désormais au rayon « oriental » de nos grandes enseignes, sans compter les échoppes des petits commerçants ou détaillants de quartiers populaires qui en regorgent également.

S’il faut assurément se réjouir de la variété des produits de type Halal accessibles aujourd’hui aux musulmans, contribuant ainsi à leur laisser une plus grande liberté de choix, on ne saurait être naïfs cependant, sur certains des effets pervers de cet « islam de marché », pour reprendre une expression du chercheur suisse Patrick Haenni qui en a analysé les principaux rouages dans un ouvrage éponyme (1).

Les piliers de l’islam, les dogmes sont par conséquent et d’une certaine façon, fatalement instrumentalisés jusqu’à perdre de leur esprit ; au service d’un gigantesque business, dans un monde mondialisé, où l’on loue, jusqu’à plus soif, les vertus incommensurables de l’économie de marché capitaliste. Et ce au nom de la liberté d’entreprendre et de l’argent roi.

Même l’islam en pratique, pourtant soi-disant rétif à la modernité à en croire les plus puristes d’entre les musulmans et parmi les plus mal avisés (islamophobes), est pénétré, au même titre que le protestantisme à bien des égards, par des intérêts hautement utilitaristes. Est-ce inexorable ? On ne peut le nier.

Alors même qu’il y a à peine quelque dizaine d’années, il fallait, pour les musulmans attachés à la norme religieuse, faire quelquefois plusieurs centaines de kilomètres pour se fournir en viande cachère et acheter tout une gamme d’aliments contrôlés par les autorités religieuses, affiliées aux grandes mosquées françaises, voilà que les biens de consommation tant recherchés arrivent dans nos villes. Faut-il forcément s’en réjouir ? Rien n’est moins sûr.

En effet, depuis quelques années, les filières se sont multipliées pour le meilleur et surtout pour le pire, ne serait-ce que par rapport aux nombreuses suspicions qui pèsent plus que jamais sur la qualité et l’authenticité de certaines marques et/ou tampons « Halal ». Des personnes peu scrupuleuses sembleraient utiliser et vendre de pseudo certifications qu’ils délivreraient ainsi en toute impunité à des acheteurs prêts à tout, pour participer aux immenses débouchés offerts par le marché du Halal.

Il est grand temps, que nous autres musulmans, peut-être trop consuméristes et pas assez vigilants, particulièrement ceux-là mêmes qui sont censés nous représenter à l’échelon régionale et nationale (CRCM et CFCM), nous nous attelions davantage et beaucoup plus sérieusement à ce problème d’authentification de la viande et de tous les produits dérivés.

Le jeûne est sans doute un moment festif au cours duquel se scellent retrouvailles entre amis et proches, certes une dimension non négligeable, mais il n’est certainement pas que cela. Il est également un moment spirituel intense où l’on exerce, par la réflexion et la méditation, notre liberté face aux instincts de toute nature et à « l’appel du ventre ». Le mois du Ramadan est donc surtout là pour nous rappeler à nos obligations et nos devoirs tant spirituels que sociaux.

(1) Patrick Haenni, L’islam de marché, Seuil, Paris, 2005.


Par Haoues Seniguer,

Doctorant en sciences politiques à l’Institut d’Etudes Politiques et Internationales (IEPI) de Lausanne.

Thursday, October 04, 2007

Le quartier

« Plus elle lui parlait, plus il revenait à lui-même, auprès de cette voix enveloppante sans excès, et dont il était amoureux depuis l’enfance. En l’écoutant, il se figura leur quartier natal reprendre sa forme initiale et se recomposer avec ses rues s’emboîtant les unes aux autres, autour de la mosquée, de la fontaine, de la médersa et du hammam. Car chaque quartier –digne de ce nom- est une ville en miniature, ramifiée dans le cœur de chaque habitant. »

KHATIBI, Abdelkebir, Triptyque de Rabat, Éd. Okad, El Jadida, 2007, p.30

Interview d'Adame Ba Konaré

Après la polémique suscitée par le discours de Dakar, Adame Ba Konaré, historienne et ancienne première dame du Mali, a lancé un appel aux historiens africains de se prononcer, séparément, chacun dans son domaine de spécialité, afin de démentir certains propos néocolonialistes du président français. Le but de cette initiative consiste, selon Adame Ba Konaré, à « mettre à niveau » les connaissances historiques de Nicolas Sarkozy et de son entourage.

Interview avec Adame Ba Konaré

Historienne malienne, épouse du président de la Commission de l’Union africaine

Ancienne première dame du Mali, Adame Ba Konaré est historienne et femme de lettres, auteur d’une dizaine d’ouvrages consacrés à son pays. Sa proximité avec le pouvoir ne l’a jamais conduite à mettre une sourdine à son franc-parler. La récente controverse suscitée par le discours du président français Nicolas Sarkozy à Dakar l’a incitée à lancer un appel à ses collègues historiens dans le but de défendre et de réhabiliter la mémoire du continent.

Jeune Afrique : Qu’est-ce qui vous a choquée dans le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar, le 26 juillet ?

Adame Ba konaré : L’énoncé d’un certain nombre de poncifs empruntés à l’ethnologie coloniale, qui participent d’un déni de l’existence d’une histoire africaine.

Je veux bien accorder au président français le bénéfice de la bonne foi, mais j’ai été à nouveau déçue par les déclarations de Jean-Marie Bockel, son ministre de la Francophonie, qui explique que « l’Afrique est enfin entrée dans le débat d’idées ». Cela m’a confortée dans ma conviction qu’ils n’ont pas fait l’effort de comprendre le continent.

Vous avez lancé un appel aux historiens africains pour qu’ils contribuent à « mettre à niveau » les connaissances des responsables français…

Cela va bien au-delà. Quand j’ai lu ce discours, l’Africaine et l’historienne que je suis s’est sentie interpellée. J’ai donc écrit cet appel et l’ai mis sur Internet à l’intention de mes collègues. Il s’agit de ne laisser personne écorcher la mémoire de l’Afrique.

Comment comptez-vous procéder ?

J’ai demandé à tous les historiens africains, chacun dans sa spécialité, d’écrire un article sur l’un des thèmes évoqués par le président Sarkozy. Les différentes contributions sont attendues au plus tard en décembre. Nous allons mettre en place un comité scientifique pour diriger l’ouvrage, dont la publication est prévue dans le courant de 2008. Ensuite, nous constituerons un comité de défense, afin de dénoncer les atteintes à la mémoire de l’Afrique.

Avez-vous déjà reçu des contributions ?

Énormément. Elles émanent tant de citoyens ordinaires que d’intellectuels africains et français. Parallèlement, j’ai sollicité des institutions telles que l’Association des historiens africains ou le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales (Codesria)

Après le discours de Dakar, votre mari a déclaré que Sarkozy avait besoin de mieux connaître l’Afrique. Vous êtes-vous concertés ?

Pas du tout. Monsieur Konaré est un homme politique ; moi, je suis dans une posture strictement scientifique. Mon idée est de décrire et d’expliquer, pour les démentir, un certain nombre de contrevérités. Je lui en ai évidemment parlé, mais il n’a en aucune façon influé sur cette initiative ni ne l’a commanditée.

Cela ne va-t-il pas le gêner en tant que président de la Commission de l’Union africaine ?

Non, je ne le crois pas. Dans une telle situation, il n’y a plus de place pour des états d’âme ni pour les calculs. Bien sûr, je suis consciente du caractère délicat des tâches de mon conjoint, mais il n’est pas question de laisser passer sans rien faire une chose qui a heurté ma conscience.

Ses relations avec Sarkozy risquent d’en souffrir…

Je ne le crois pas. Pendant sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy n’a pas arrêté d’appeler les gens à s’exprimer librement. Et il a promis de rompre avec l’ancienne politique africaine de la France. Nous allons l’aider à sortir de l’impasse dans laquelle il risque de se retrouver.

Thabo Mbeki a adressé une lettre de félicitations au président français…

Je pense qu’il n’a pas lu son discours, à moins que sa compréhension n’ait été altérée par des problèmes de traduction. Je ne vois pas d’autre explication.

Que pensez-vous de la nouvelle loi française sur l’immigration et de l’amendement qui autorise des tests ADN ?

J’ai appris que le Sénat avait rejeté l’article sur les tests ADN. Convoquer la biologie dans ce genre d’affaire me paraît une évolution préoccupante. La France ne doit pas cesser d’être la patrie des droits de l’homme. Elle doit assumer sa position d’ancien colonisateur, qui lui a permis de tisser toutes sortes de relations avec l’Afrique francophone.

Source

Wednesday, October 03, 2007

Pouvoir et corruption

« Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur. La peur de perdre le pouvoir corrompt ceux qui le détiennent. »

Aung San Suu Kyi
Opposante birmane et prix Nobel de la paix en 1991

Actualité

Démographie

Un Marocain doyen de l’humanité

Le Marocain Sidi Kaddour Maksouri serait âgé de 123 ans et deviendrait ainsi le doyen de l’humanité. L’information, parue dans le quotidien marocain Al Ahdate Al-Maghribia, permet à Sidi Kaddour Maksouri de rafler le titre de doyen de l’humanité au japonais Tomoji Tanabe, âgé, lui, de 112 ans.

Le nouveau doyen de l’humanité, qui réside toujours dans sa ville natale de Kouassem, au sud de Casablanca, explique sa longévité par son alimentation composée essentiellement de pain d’orge, d’huile d’olive, de miel, de dattes et de fruits de saison.


Algérie

Projet d’une mosquée géante

L’Algérie compte construire une mosquée géante sur la baie d’Alger. Le nouveau lieu de culte, dont la fin des travaux est prévue pour 2013, coûtera 3 milliards de dollars.

Les dimensions de cette nouvelle mosquée –minaret culminant à 300 mètres, salle de prières pouvant accueillir 40 000 fidèles- en feront le troisième édifice de culte musulman après la mosquée de la Mecque et celle d’Hassan II à Casablanca.


Guinée Équatoriale / Etats-Unis

Tensions diplomatiques

Les relations diplomatiques entre la Guinée Équatoriale et les Etats-Unis ne sont pas au beau fixe. Un an et demi après la visite du président Obiang Nguema à Washington, le Premier ministre équatoguinéen a eu un échange très vif avec l’ambassadeur américain en poste à Malabo. Objet du désaccord : Bien que la Guinée Équatoriale ait déjà versé 4 millions de dollars pour un programme de développement social, l’agence américaine pour le développement international (Usaid) –qui doit le superviser- ne l’a toujours pas lancé.

Monday, October 01, 2007

Discours de rupture

Discours de rupture: Fermez les bases militaires !

Des leaders africains dénoncent à l’Onu la présence des armées occidentales sur le continent.

Les débats, semble-t-il, ont parfois été vifs entre dirigeants africains et dirigeants occidentaux, cette semaine à New York, dans le cadre de la réunion du Conseil de sécurité de l’Onu consacrée à la paix et à la sécurité en Afrique. Les dirigeants africains tenant parfois un véritable discours de rupture pour une plus grande indépendance du continent. Le cas par exemple du président sud-africain Thabo Mbeki qui remercie volontiers l’aide apportée par les pays occidentaux à l’Afrique, mais, estime que lorsque l’Afrique fait montre de sa capacité à résoudre elle-même ses problèmes, les pays développés devraient l’y encourager, plutôt que des dresser des obstacles devant elle. Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l’Union africaine, est même allé plus loin encore. L’ancien président malien a ouvertement demandé “ la suppression pure et simple des bases militaires étrangères en Afrique ”. Alpha Oumar Konaré soutient, en effet, que l’aide au développement devrait cesser de servir de prétexte aux puissances occidentales, pour s’ingérer dans les affaires intérieures des affaires africaines.

On l’a vu ces cinq dernières années avec les manifestations des Jeunes Patriotes en Côte-d’Ivoire, la présence des bases militaires étrangères est de moins en moins acceptée par la jeunesse africaine. Désormais, les leaders du continent emboîtent le pas à cette jeunesse. On sait par exemple que le président ivoirien Laurent Gbagbo, fermerait volontiers le 43e Bima, la base militaire française d’Abidjan. On se souvient aussi de la sortie, il y a deux ans de Muammar Kadhafi, contre la présence de l’armée française en Afrique. “ Personnellement, disait le guide libyen, répondant à la presse française, je n’ai pas encore compris la raison de la présence militaire de la France en Afrique. Qu’est-ce qu’elle veut y faire ? Notre voisin le Tchad, par exemple, a vécu un conflit d’un quart de siècle. Je n’ai pas vu de rôle pour les forces françaises. On ne comprend pas pourquoi elles sont là. Et voyez ce qui se passe en Côte d’Ivoire : je crains que cela n’ait une influence négative sur les relations afro-françaises. Car, il y avait une confiance mutuelle entre l’Afrique et la France. Je crois que c’était une erreur d’intervenir en Côte d’Ivoire. ” La sortie de Alpha Oumar Konaré qui passe pour être l’un des dirigeants africains les plus écoutés et estimés par les occidentaux, vient donc ajouter du poids à cette revendication.


Avec Recamp, Paris ne décampe pas

Quand on parle des bases militaires étrangères en Afrique, on pense d’abord aux bases militaires françaises. Héritage colonial indécent, les bases militaires françaises sont issues des fameux “accords de défense” conclus lors des “indépendances” et jamais approuvés par les instances démocratiques des pays auxquels ils furent imposés. Paris maintient encore cinq bases militaires sur le continent, en Côte-d’Ivoire, à Djibouti, au Gabon, au Sénégal et au Tchad, avec près de 10 000 hommes placés en alerte permanente. De véritables gendarmes des intérêts africains de la France, chargés de le maintenir l’ordre françafricain partout où il est menacé ou perturbé dans le pré-carré. Ainsi que l’explique l’association française “Survie”, “ Le dispositif de bases et troupes militaires françaises en Afrique est depuis plus de 40 ans l’un des piliers de la Françafrique, ce système néo-colonial de confiscation des indépendances africaines, de pillage des ressources, d’escroquerie financière, de dictatures (amies de la France), de manipulations barbouzardes, d’instrumentalisation de l’ethnisme et de fomentation de guerres civiles ”.

Certes, les déconvenues rencontrées sur le continent ces dernières années, au Rwanda, et en Côte-d’Ivoire, ont amené l’ancienne puissance coloniale à revoir considérablement son dispositif militaire en Afrique. D’abord en réduisant le nombre de bases militaires avec, la fermeture envisagée de celle explosive d’Abidjan, et celle de Ndjamena qui paraît parfois faire doublon avec celle de Ndjamena. Ensuite, en modifiant la vocation de ces bases qui devraient dorénavant être placées sous l’égide des Nations unies et de l’Union africaine, dans le cadre du système dit Recamp (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). Reste que, cette réorientation à laquelle l’Afrique n’a pas été associée - et qui n’emporte pas automatiquement l’adhésion des Africains par conséquent -, est une manière française très habile de conserver un droit de regard sur les affaires du continent.


Les Yankees frappent à la porte

Les Français pourraient bientôt ne plus être la seule puissance occidentale à entretenir une armée sur le continent africain ; les Américains annoncent leur arrivée. L’Administration Bush a créé en février 2007 un commandement unifié pour l’Afrique (United States Africa Command) baptisé Africom, chargé de coordonner toutes les activités militaires et sécuritaires des Etats-Unis en Afrique. L’Africom qui devrait commencer à fonctionner en septembre 2008, peine cependant à trouver un pays d’accueil. Les Etats sollicités jusque-là, ont fait montre de bien peu d’enthousiasme. La Communauté de développement de l’Afrique Australe (Sadc), a par exemple clairement indiqué qu’aucun de ses pays membres n’accueillerait les forces américaines. Selon le ministre sud-africain de la Défense, Mosiuoa Lakota, il s’agirait même là, de la “ position continentale ” de l’Union africaine. L’Afrique, dit-il, est opposée à l’installation d’un commandement américain sur le continent.

Le Département américain de la Défense et le Département d’Etat ont beau assurer que l’Africom n’est pas destinée à faire la guerre sur le continent, et, qu’aucun nouveau contingent de soldats américains ne sera envoyé en Afrique, les Africains ont du mal à ne pas y voir une militarisation américaine du continent et une nouvelle manière de Pax Americana, tant les enjeux sont importants et poussent les Américains à vouloir dicter leur loi. Il y a d’abord la guerre contre le terrorisme, la corne de l’Afrique étant devenue pratiquement un foyer de milices plus ou moins liées à l’ennemi traqué, Al-Qaïda, tout comme le Maghreb, de plus en plus en proie au terrorisme islamiste. Il y a ensuite la géopolitique du pétrole. L’Afrique fournit déjà près de 16% du volume des hydrocarbures consommées aux Etats-Unis. Et, les importations américaines de pétrole africain devraient passer à 25% en 2015.

Il pourrait par conséquent apparaître vital pour les Américains de garantir par tous les moyens, leur accès futur à ce pétrole, surtout au moment où la Chine, de plus en plus gourmande, s’intéresse aux matières premières africaines et étend son influence sur ce continent où elle multiplie des accords de développement et de coopération économique. Comment dans ce cas imaginer que les Américains, se gardent de toute manœuvre politique sur le continent ? Qu’est ce qui empêcherait Africom de servir d’appui aux autorités américaines pour soutenir les régimes africains de leur obédience ou encore imposer aux Africains des dirigeants favorables aux intérêts américains ?


Solutions africaines

Autant d’enjeux qui poussent les Africains à souhaiter la fermeture des bases françaises et à s’opposer à l’arrivée d’Africom. Reste que la paix et la sécurité restent un enjeu majeur en Afrique, continent par excellence de toutes les guerres. L’Afrique a-t-elle, en dehors des solutions étrangères, des alternatives pour faire face à ces enjeux ? Elle en a propose en tout cas. La Libye, par exemple, estime que les puissances militaires qui prétendent investir militairement pour garantir la stabilité du continent, devraient plutôt renforcer “ les mécanismes de sécurité de l’Union africaine (Ua) pour qu’ils puissent assurer la sécurité sur le continent ; tout partenariat qui peut aider le continent à résoudre seul ses problèmes étant le bienvenu ”. L’Algérie, un des pays majeurs du continent milite pour la “ mise en place de mécanismes propres aux pays africains ”, et “ des arrangements entre l’Ua et l’Onu ”.

L’Afrique doit s’efforcer d’être indépendante idéologiquement, si nous voulons assurer, maintenir la paix et la stabilité le long des frontières, nous devons partager une vision commune sur notre continent ”, soutient le président ougandais, Yoweri Museveni. Et de proposer la création d’une “ armée africaine crédible qui pourrait garantir l’avenir ”. Une solution déjà largement théorisée par Muammar Khadafi. “ S’il y a une défense commune, une force unique pour l’Afrique, comme l’Euroforce pour l’Europe, cette force, en s’appuyant sur les traités de défense commune, et placée sous l’autorité du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, pourra régler toutes les crises. Il faut mettre un terme à toutes les armées nationales en Afrique. Elles ne sont plus nécessaires. Il faut que l’armée africaine unique les remplace. Toutes ces armées sont derrière les conflits, les guerres, les coups d’Etat, les putschs ”, explique le Guide libyen.

Reste à passer de la théorie aux actes.

Source


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