Saturday, February 25, 2012

L'heure du grand nettoyage

L’heure du grand nettoyage ?

Défaits par le Gabon et la Tunisie lors des deux premiers matchs de poule, le Maroc et le Niger se retrouveront lundi pour un match qui compte pour du beurre. Leurs deux bourreaux se disputeront eux la première place du groupe, synonyme d’un quart de finale plus clément face à une équipe peut-être moins redoutable.

Sans surprise

A priori, rien ne justifie cet optimisme béat qui précède, à chaque fois, la participation du Maroc à une phase finale de la CAN. Ni l’histoire : hormis les éditions de 1976 (victoire finale), de 1980 (3ème place) et de 2004 (défaite en finale), le Maroc a rarement été un adversaire redoutable. Ni la notoriété : le Maroc a toujours été incapable d’inscrire ses performances dans la durée et de préserver un niveau régulier traduit par des résultats stables et une présence constante dans le dernier carré. Ni la forme du moment : le parcours en éliminatoires est loin d’être brillant, malgré cette victoire à Marrakech face à une équipe d’Algérie très diminuée et incapable de renouveler son ossature. Pour acquérir le statut de favori, une équipe doit être capable d’aligner une quinzaine de matchs réussis, d’identifier de multiples solutions, d’apprendre à gagner même en étant malmenée. Or, après la victoire face à l’Algérie, cette équipe a été incapable d’aller gagner en Afrique centrale malgré une large domination, d’où un flagrant manque d’efficacité.

Et pourtant, à la veille de chaque participation, matraquage médiatique, mise en avant de quelques succès (étriqués parfois, mais peu importe) et floraison de chansons, forment un mélange inédit capable d’inhiber l’activité de réflexion et de pousser les plus avertis à l’optimisme.

Fin du modèle Bling-Bling

Deux ans et demi après l’arrivée de l’actuel président de la FRMF, celle-ci a engagé deux entraîneurs qui ont coûté très cher au contribuable marocain. Outre l’aspect exhorbitant des conditions salariales de Roger Lemerre et d’Eric Gerets, la FRMF a été contrainte de mettre la main à la poche à cause de l’incompétence des responsables qui négocient les contrats à chaque fois. La résiliation du contrat bétonné de Lemerre a coûté très cher. Certaines sources avaient avancé à l’époque le montant de 2,7 million d’euros, mais ces chiffres restent difficiles à vérifier tant la plus grande discrétion et opacité entourent ces arrangements, élevés au rang de secrets d’État.

Lemerre limogé, la FRMF étudie les différentes pistes et une seule semble l’intéresser, voire l’obséder : celle menant à Eric Gerets, engagé à l’époque avec le club saoudien d’Al Hilal. Le poste est longtemps resté vacant en attendant que le magicien belge puisse se libérer de ses engagements pour prendre en charge une équipe nationale « pétrie de talents mais en quête d’un tacticien. » Son arrivée étant conditionnée par l’élimination de son équipe qui jouait l’Asian Champions League, le supporter marocain se retrouve fort intéressé par cette compétition totalement insignifiante pour lui et à laquelle il n’y prête attention que par intermittence, à l’occasion d’une réalisation d’Aboucherouane contre un adversaire iranien, en pleine crise diplomatique entre le Maroc et l’Iran. Bienvenue au Royaume de l’absurde.

Soucieux de se distinguer de l’équipe sortante, le nouveau bureau de la fédération s’est efforcé à se donner l’image d’une structure moderne, organisée, et efficace. Profitant de l’ouverture de nouveaux stades, du transfert de Chamack à Arsenal, et du développement des média consacrés au sport –garantissant un suivi régulier et une couverture de toutes les activités-, la nouvelle équipe aura essayé de tout faire pour se montrer indispensable, mais son principal pêché demeurera cette confusion des rôles entre gestionnaires, sportifs, hommes d’affaires véreux et politiques.

L’élimination dès le premier tour d’une équipe composée majoritaitement de joueurs professionnels, évoluant dans des clubs prestigieux et au talent prometteur sonne le glas d’un modèle bling-bling basé sur l’attrait de joueurs de renom et ayant pour bras médiatique un ministre fin orateur et omni-présent.

Relancer l’équipe des locaux

Le football n’est plus un sport comme les autres, mais une science à part entière où rien ne doit être laissé au hasard ou à l’improvisation. Les vraies remèdes ne sont pas difficiles à identifier, mais une vraie volonté est nécessaire à leur mise en œuvre. Construire une équipe nécessite un travail de longue haleine étalé sur plusieurs années, basé sur une politique généreuse et ambitieuse de formation, une réhabilitation du joueur local, souvent ignoré et méprisé, au profit de joueurs nés en Europe. Les professionnels sont le ciment de toute grande équipe, mais à condition que leur statut de joueurs professionnels soit lié à une obligation de rendement et de résultat, et qu’il ne constitue plus un passe-droit. A plus forte raison quand ces joueurs professionnels, quelques minutes seulement après avoir égalisé sur penalty dans un match capital, trouvent le moyen de gaspiller une nette occasion de but, alors qu’ils sont en nette supériorité numérique. Rien n’illustre autant le nauffrage collectif de l’équipe que ce ballon très mal négocié. La victoire, tout comme la défaite, se joue à quelques détails près…

Certes, le championnat national demeure faible, mais le Gabon, le Niger, la Zambie et bien d’autres équipes formées majoritairement de joueurs locaux, issus de championnats nettement moins relevés et compétitifs que le nôtre, ont pu tirer leur épingle du jeu et forcer le respect. Ils ne disposent ni de stars bling-bling, ni d’entraîneurs de renommée mondiale. Ils travaillent durement, se préparent avec les moyens disponibles, s’accomodent des conditions de jeu en Afrique, sont encadrés convenablement et se rassemblent régulièrement.

On ne peut plus se permettre de luxe de ne rassembler les joueurx locaux qu’à la veille d’un match qualificatif pour le Championnat d’Afrique des nations (CHAN). Oui, notre équipe locale a perdu contre la Tunisie, mais seul un observateur perfide croyant aux vertus de l’improvisation peut croire en les chances d’une équipe réunie la veille d’une écheance importante, confiée à un entraîneur désigné lui-même de manière précipitée. La preuve la plus flagrante du dénigrement du joueur local, est l’absence de toute stratégie de suivi et d’encadrement depuis cette élimination face à une Tunisie composée de joueurs évoluant dans les prestigieux clubs locaux, grands habitués des coupes africaines. Combien de fois cette équipe s’est-elle réunie en concentration depuis ce match ? Combien de matchs amicaux a-t-elle eu l’occasion de disputer ? Qui en est l’entraîneur ? Pourquoi avoir tout simplement tué dans l’œuf cette équipe éliminée par la Tunisie –futur vainqueur du CHAN !- uniquement à la faveur des buts marqués à l’extérieur (1-1 à Sousse, 2-2 à Casablanca) ? La réponse est simple et sidérante à la fois : le joueur local importe peu. Tout au plus l’entraîneur national fera appel à un gardien issu du championnat national, cette spécialité n’étant pas couverte par les joueurs de la diaspora.

Gabon, ce révélateur de lacunes

« Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise. » Cet adage est particulièrement vrai pour la FRMF. Longtemps à la tête de cette fédération, le Général de corps d’armée Hosni Benslimane n’a envisagé de passer le flambeau à son actuel successeur, M. Ali Fassi-Fihri, qu’après une énième crise suite à une humiliante défaite à Casablanca, en match d’ouverture des éliminatoires de la Coupe du monde 2010.

Force est d’admettre qu’il y a parfois des coïncidences troublantes : arrivé en avril 2009 après cette défaite à domicile contre le Gabon, Ali Fassi Fihri, désigné illégalement et non élu, convient-il de rappeler, se retrouve aujourd’hui au pied du mur après cette élimination peu honorable face à ce même Gabon.

Il est peu probable qu’un président dont la désignation a été entachée d’irrégularités, dispose de la clairvoyance nécessaire à la mise en œuvre des réformes indispensables pour sauver un élève qui rentre plus tôt que prévu au bercail, avec un bulletin où on peut lire : « A touché le fond mais creuse encore. »

Jaâfar AMARI

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