Sunday, July 23, 2006

Le Sorbonnard qui vend des tapis

Le lendemain, dans la médina, je fais la connaissance de M., un bazariste qui ne vend ses tapis qu’après avoir fait passer une sorte d’examen à l’impétrant. « Je ne veux pas que mes pièces uniques finissent dans un cagibi. » C’est un connaisseur qui rêve d’ouvrir un musée du tapis à Meknès. Á souq al-haïk, il fait de la résistance : le prêt-à-porter envahit tout, et les Chinois montrent le bout de leur nez. Après avoir bu force verres de thé, je me fais la réflexion que cet homme très courtois dispose d’un vocabulaire étonnement étoffé pour un bazariste, aussi bien dans la langue de Jahiz, que dans celle de Hugo. Une question en appelle une autre, et voilà notre homme qui se lève et va chercher, sous une peau de mouton, un exemplaire broché de la thèse sur « L’esthétique du théâtre politique anglais contemporain » qu’il a soutenue en Sorbonne en avril 2003.

- Et alors ?

- Alors, je vends des tapis.


Laroui, Fouad, « Les Marocains ne sont plus ce qu'ils étaient », Jeune Afrique l'Intelligent, N°2374, 9-15 juillet 2006, p.67

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