Le monde ne vaut pas ton corps

Le monde ne vaut pas ton corps !

As-tu vu Venise, ses masques, ses dentelles,
Naples, sa baie, sa chapelle,
Rome, ses forums, ses princesses,
Ses déesses, son luxe, ses richesses ?

As-tu vu Cordoue, ses ponts, ses mosquées,
Amsterdam, ses dames, ses quais,
Tolède, ses tours, ses remparts,
Florence, ses dômes, ses boulevards ?

As-tu vu Malaga, ses liqueurs, ses raisins,
Nîmes, ses jardins, ses vins,
Madère, ses volcans, ses vignes,
Hambourg, ses chantiers, ses cygnes ?

As-tu vu Vienne, sa porcelaine, ses basiliques,
Athènes, ses fontaines, ses portiques,
Saint-Malo, ses châteaux, ses bateaux, son port,
Cologne, ses miniatures, ses œuvres à fond d’or ?

As-tu vu Milan, ses verreries, ses soieries,
Paris, ses quartiers, ses galeries,
Babylone, ses bijoux, ses palmiers,
Le Caucase, ses sommets, ses glaciers ?

As-tu vu Nevers, ses vallées, ses palais,
Lahore, ses perles, ses mausolées,
Madagascar, ses Indiens, ses Malais,
Calcutta, ses nababs, son delta ?

As-tu vu la Guadeloupe, ses fruits, ses plages,
Le Kenya, ses lacs, ses rivages,
Le Paraguay, ses printemps, ses rivières,
Vancouver et ses bras de mer ?

As-tu vu Strasbourg et ses faïences,
La Bohème et ses résidences,
La Sibérie et ses fourrures,
Saint Petersbourg et ses sculptures ?

As-tu vu Colmar, ses horloges, ses musées,
Cap Canaveral et ses fusées,
Rio, ses versants, ses danses, ses chants ?

Non, je n’ai rien vu de tout cela

Mais j’ai vu ton corps nu

Nuit et jour

Et cela me suffit !

Ahmed Ismaïli

Ahmed Ismaïli in « Anthologie de la poésie marocaine d’expression française », éd. Aïni Bennaï, Casablanca, 2006, pp. 91-92