Le sport et l'incompétence linguistique
Le sport victime de l’incompétence linguistique
La nouvelle chaîne Arriyadiya, présentée comme « le futur bébé sportif de l’audiovisuel marocain », tarde à confirmer les espoirs placés en elle. Même si son lancement est récent, et qu’elle dispose par conséquent du temps nécessaire à son amélioration –voire son perfectionnement-, les nombreuses lacunes qu’elle présente ne peuvent que décevoir les passionnés de sport ayant tant attendu son avènement.
La présente critique s’intéressera particulièrement à l’aspect linguistique. Les déficiences remarquées, et même si elles sont, dans leur grande majorité, partagées par plusieurs médias marocains, sont flagrantes, voire impardonnables, car faisant partie des pré-requis nécessaires à l’exercice de la profession de journaliste.
Incapables de commenter un match de football dans une langue fluide et saine, qui coule de source, qu’elle soit prononcée avec un accent marocain ou autre, les commentateurs sportifs se perdent dans un mimétisme débilitant, à l’image d’une société marocaine malade de sa dernière tendance : la facilité du « copier-coller ».
Par conséquent, ce mimétisme donne inéluctablement lieu à des inexactitudes, à des erreurs grotesques, à une flagellation pure et simple de la langue arabe, pourtant suffisamment flexible pour permettre à son utilisateur de la manier avec facilité.
Le spectateur qui a suivi de près le match Far # Raja, retransmis en direct dimanche sur cette nouvelle chaîne, ne pouvait que se sentir offusqué par la piètre qualité de la langue utilisée, oscillant entre l’arabe dialectal pratiqué au Maroc et l’arabe classique, balayant un ensemble de variantes locales de l’arabe couvrant un espace géographique immense entre l’Atlantique et le Golfe, d’où les approximations, les anachronismes, les contresens et, surtout, les aberrations identifiables à tous les niveaux de la langue.
Le phénomène « peau noire, masque blanc », décrit par l’essai du même titre rédigé par Frantz Fanon, refait surface à un autre niveau linguistique : le « copier-coller » n’est plus effectué à partir d’une langue étrangère, mais plutôt à partir d’autres variantes de l’arabe. De telles performances, tristes malheureusement, traduisent une situation d’inconfort linguistique propre à des citoyens prétendant pratiquer deux langues, mais incapables, dans leur majorité, de s’exprimer clairement dans l’une ou l’autre.
Si les premières manifestations du « copier-coller » linguistique effectué à partir d’une langue étrangère, celle de l’occupant en l’occurrence, peuvent être expliquées –sans pour autant être justifiées-, celles, très récentes, du « copier-coller » effectué à partir de variantes de l’arabe, trahissent une absence de fluidité lexicale, d’aisance communicative et de maîtrise et découlent, particulièrement, d’un manque de confiance en soi plus que notoire.
En outre, ce manque de confiance en soi a déjà poussé plusieurs gouvernements à adopter aveuglément par le passé des modèles de développement importés sans se soucier de leur compatibilité avec les sociétés locales –le milieu de greffe-.
Il serait à craindre que de telles performances linguistiques soient les signes avant-coureurs les plus inquiétants d’une situation alarmante : le phénomène « peau noire, masque blanc » a investit le champ linguistique, le premier et l’ultime moyen d’expression d’un peuple, son premier refuge, son véritable vecteur de savoir et de connaissance, et la première marque de son génie, de son héritage perpétuellement en devenir.
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